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I. Notions générales concernant les examens d’ACP

Notions générales concernant les examens d’ACP 

CHAPITRE 1 - Introduction générale

Auteurs : Dominique Wendum, Arnaud Uguen

I.   Anatomie et cytologie pathologiques et médecine

II.   Anatomie et cytologie pathologiques et 2e cycle des études médicales

I. Anatomie et cytologie pathologiques et médecine

A. Généralités

A Les examens d’anatomie et cytologie pathologiques (ACP) font partie des examens complémentaires (item 3). Ils sont particuliers car :

•   ils nécessitent un prélèvement de tissus ou de cellules. Ces actes de prélèvement sont souvent invasifs et/ou de mise en œuvre plus ou moins complexe (ex : ponction sous scanner ou échoendoscopie, chirurgie, etc.) avec un risque de complication. Il faut donc toujours réfléchir sur les informations apportées par l’analyse, l’accessibilité, la « rentabilité » et les risques associés au prélèvement : la balance bénéfice/risque doit par conséquent toujours être étudiée soigneusement ;

•   le prélèvement destiné à l’ACP doit être systématiquement considéré comme extrêmement précieux car, à la différence de la plupart des prélèvements biologiques (prises de sang par exemple), il est difficile, voire impossible à répéter. Il est donc primordial de connaître les modalités de transmission du prélèvement au laboratoire d’ACP, car toute déficience à ce niveau peut entraîner des conséquences néfastes sur la qualité du diagnostic (cf. item 293 – chapitre 2) ;

•   l’analyse ACP repose classiquement sur la morphologie (macroscopie/microscopie) et l’interprétation d’images ou de marquages dans les cellules et ou tissus. Deux grands axes de développement sont cependant en train de la modifier en profondeur.

Remarque : l’autopsie médicale (dite aussi médicoscientifique) est en général faite par un pathologiste alors que l’autopsie médico-légale est faite par un médecin légiste (item 13).

B. Axes de développement

1. Pathologie moléculaire

C’est le premier axe de développement (items 46 et 293), qui consiste à extraire les acides nucléiques du prélèvement (prélèvement congelé ou fixé par le formol et inclus en paraffine).

L’objectif est de rechercher des mutations, des réarrangements géniques ou des gains/pertes de matériel génomique par les différentes techniques de biologie moléculaire (PCR [polymerase chain reaction], NGS [next generation sequencing], etc.). Il est aujourd’hui possible de réaliser plusieurs recherches d’altérations moléculaires différentes sur plusieurs gènes d’intérêt en une seule et même analyse. La pathologie moléculaire est de plus en plus utilisée pour les diagnostics de tumeurs en l’intégrant souvent à l’aspect morphologique (sarcomes, tumeurs cérébrales, etc.). La pathologie moléculaire permet également de rechercher des cibles moléculaires dont la mise en évidence est indispensable pour l’administration de traitements visant spécifiquement ces anomalies ainsi que des marqueurs prédictifs de réponse à ces traitements dans certaines situations. 

2. Pathologie numérique

Il s’agit du deuxième axe de développement (item 18). L’analyse morphologique ACP a comme support classique une lame en verre sur laquelle est déposée une coupe tissulaire ou bien des cellules qui sont ensuite observées au microscope. Il est aujourd’hui possible de numériser les lames (via des « scanners de lames ») pour en réaliser une copie numérique à résolution élevée. Ces lames numériques, appelées aussi lames « virtuelles », sont observées sur des écrans d’ordinateur et peuvent être transmises par les réseaux informatiques.

La microscopie numérique facilite la standardisation des mesures de taille et de surface, le partage et la consultation à distance (télépathologie/télétravail).

Elle ouvre aussi la porte à l’aide logicielle au diagnostic par des outils de morphométrie, de détection/comptage automatique et d’algorithmes d’intelligence artificielle qui sont actuellement en plein essor. Il y a possibilité d’extraction de nouvelles données morphologiques difficilement voire non accessibles à l’œil humain mais d’intérêt potentiel diagnostique, pronostique et/ou théranostique (cf. infra).

C. Informations apportées

Les examens d’ACP peuvent apporter des informations :

•   diagnostiques (ex : mise en évidence d’un granulome épithélioïde pour le diagnostic de sarcoïdose, diagnostic d’un type de tumeur, etc.) ;

•   pronostiques (ex : facteurs « histopronostiques » des cancers [item 292], stade pTNM [pathology tumor, node, metastasis], évaluation de la fibrose lors d’une hépatopathie chronique, etc.) ;

•   thérapeutiques. Ce dernier aspect est parfois appelé « théranostic » et correspond à l’évaluation d’éléments qui permettent de prédire la réponse à certains traitements (item 292). Elle permet la mise en œuvre de traitements dits ciblés ou « personnalisés ». Ces éléments peuvent être d’ordre moléculaire, mis en évidence par des techniques morphologiques (ex : recherche d’une amplification du gène HER2 par hybridation in situ), ou par des techniques non morphologiques (ex : recherche de mutation de EGFR pour un traitement par inhibiteur d’EGFR [epidermal growth factor receptor]). Ces éléments « théranostiques » peuvent aussi ne pas être d’ordre moléculaire (recherche de l’expression de PD-L1 [programmed-death ligand 1] en immunohistochimie pour un traitement d’immunothérapie par exemple).

II. Anatomie et cytologie pathologiques et 2e cycle des études médicales

En raison du caractère particulier des analyses d’ACP, les modalités de prélèvement, conditionnement et acheminement des prélèvements sont à connaître (item 293).

Le vocabulaire spécifique du compte rendu et les principes des techniques mises en œuvre doivent aussi être connus (item 292, situations de départ 179 Réaction inflammatoire sur pièce opératoire/biopsie, 180 Interprétation d’un compte rendu d’anatomopathologie, 181 Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie).

Si l’analyse morphologique (reconnaissance de lésions, démarche diagnostique) relève du 3e cycle des études médicales, les mises en situations en amont et en aval de ces analyses sont tout à fait adaptées et envisageables dans le cadre d’évaluations de deuxième cycle de type ECOS (examen clinique objectif et structuré).

CHAPITRE 2 - Item 293 - Le médecin préleveur de cellules et/ou de tissus pour des examens d’anatomie et cytologie pathologiques.

Auteur : Arnaud Uguen

Objectifs : Connaître les principes de réalisation, transmission et utilisation des prélèvements à visée sanitaire et de recherche.

Situations de départ

178. Demande/prescription raisonnée et choix d’un examen diagnostique.

180. Interprétation d’un compte rendu d’anatomopathologie.

Hiérarchisation des connaissances : tableau 1a et tableau 1b 

I.   Introduction

II.   Trois questions s’imposant au médecin préleveur

III.   Notions sur les analyses appliquées aux prélèvements d’ACP

IV.   Rendu du résultat et devenir du prélèvement

I. Introduction

L’item 293 est abordé en trois volets :

•   les trois questions très pratiques que doit se poser le médecin préleveur ;

•   les notions principales à connaître sur les techniques mises en œuvre ;

•   le rendu du résultat de l’analyse anatomopathologique et le devenir du prélèvement.

La figure 2.1 résume ce plan depuis la prescription, la réalisation et la transmission du prélèvement vers son analyse jusqu’au compte rendu de l’analyse pour la prise en charge du patient.

II. Trois questions s’imposant au médecin préleveur

A. Comment poser l’indication d’un prélèvement cellulaire ou tissulaire pour analyse d’ACP ?

Les informations attendues de l’analyse doivent être questionnées au préalable.

En effet, ces attentes :

•   conditionnent le choix du mode de prélèvement ;

•   dictent les modalités de transmission du prélèvement en fonction de contraintes de temps de résultats et de techniques ;

•   permettent la transmission de renseignements, d’hypothèses cliniques et de demandes d’analyses spécifiques via la fiche de renseignements accompagnant le prélèvement.

L’acte de prélèvement lui-même est toujours réalisé :

•   par un professionnel de santé qualifié, le plus souvent un médecin ;

•   suivant les recommandations de bonne pratique du prélèvement considéré ;

•   en s’assurant de l’absence de contre-indication à l’acte de prélèvement.

Le prélèvement peut concerner :

•   un tissu : une biopsie ou une pièce opératoire, de tailles variables depuis la microbiopsie inframillimétrique jusqu’à un organe ou un groupe d’organes (prélèvement à visée d’examen « anatomopathologique » ou « histopathologique ») ;

•   des cellules séparées de leur tissu : dans un liquide biologique, ou obtenues par frottis/raclage – en cas de lésion en surface d’un organe accessible – ou par cytoponction à l’aiguille – en cas de lésion profonde (prélèvement à visée d’examen « cytopathologique ») ;

•   parfois les deux au cours d’un même acte de prélèvement (ex : liquide et fragments tissulaires obtenus au cours d’un même acte de ponction).

La qualité (et la quantité) du matériel tissulaire et cellulaire prélevé, son mode de conservation et de transmission conditionnent la qualité du résultat.

La plupart des prélèvements opératoires tissulaires font l’objet d’analyses anatomopathologiques de façon systématique. L’examen anatomopathologique de ces prélèvements permet de confirmer le diagnostic mais également parfois de mettre en évidence des lésions non soupçonnées mais importantes à diagnostiquer (ex : découverte fortuite d’une tumeur sur une pièce d’appendicectomie pour appendicite).

Certains prélèvements opératoires sont difficiles (voire impossibles) à orienter dans l’espace une fois prélevés : en cas de nécessité d’information sur l’orientation spatiale d’une pièce opératoire (ex : pour situer dans l’espace les limites d’exérèse d’une lésion tumorale), le médecin préleveur peut être amené à ajouter des repères sur la pièce opératoire prélevée (ex : fil de suture ou encrage) pour permettre au médecin pathologiste de réorienter la pièce afin d’interpréter les lésions dans le contexte anatomique du patient.

B. Comment préserver et acheminer les prélèvements ?

Le matériel tissulaire/cellulaire prélevé est précieux et doit être transmis de façon optimale au laboratoire d’ACP pour éviter l’autolyse des cellules du prélèvement et préserver la qualité tissulaire/cellulaire nécessaire aux analyses. La fixation, le plus souvent par le formol dilué à 10 % de volume, empêche cette autolyse, mais peut avoir l’inconvénient d’interdire la réalisation de certaines analyses nécessitant du matériel « frais » (c’est-à-dire non fixé).

Aussi, il faut d’abord se demander : « Doit-on fixer ou non le prélèvement ? »

La réponse à cette question est « non » en cas :

•   de demande d’examen extemporané ;

•   de pathologie tumorale nécessitant une conservation de matériel tissulaire congelé, selon les recommandations de l’INCa (Institut national du cancer), à visée sanitaire : tumeurs pédiatriques, suspicion de lymphome ou de sarcome ;

•   d’indication d’immunofluorescence : biopsies rénales à visée néphrologique (non tumorales), certaines pathologies cutanées (maladies bulleuses par exemple) ;

•    de demande d’analyse histoenzymatique (ex : biopsie musculaire) ;

•   de protocole de recherche mentionnant explicitement la nécessité de congélation de matériel tissulaire tumoral.

Dans tous les cas, le prélèvement doit être adressé le plus rapidement possible (dans l’idéal immédiatement, au maximum dans les 30 minutes) au laboratoire d’ACP « à l’état frais » (= sans fixateur) pour être rapidement congelé.

À noter que si les pièces opératoires peuvent être adressées telles quelles, il est recommandé que les petits prélèvements biopsiques soient protégés pendant leur transport par une compresse imbibée de sérum physiologique pour éviter leur dessèchement. Le transport se fait à température ambiante.

Concernant les prélèvements à adresser pour analyse en immunofluorescence directe sur coupes en congélation, en dehors de la transmission « à l’état frais », il est aussi possible d’immerger la biopsie dans un milieu de transport (liquide de Michel) qui permet de conserver le prélèvement biopsique à température ambiante 24 à 48 heures et de différer sa transmission et sa prise en charge technique en ACP. Pour d’autres prélèvements nécessitant une étude en coupes congelées tels que les prélèvements de biopsie musculaire, la congélation doit en revanche être immédiate après le prélèvement et ne peut être différée.

Il est important pour le médecin préleveur de travailler en étroite collaboration ou sous le conseil de l’anatomopathologiste pour assurer les conditions de prélèvement, conditionnement et acheminement optimales des prélèvements en amont de leur analyse.

En cas de doute, il faut contacter le laboratoire pour s’assurer des modalités de transmission du prélèvement.

Dans les autres cas où la transmission du prélèvement à l’état frais n’est pas nécessaire, le prélèvement peut être fixé :

•   pour les prélèvements histopathologiques par le formol tamponné à 10 %.

Concernant la fixation tissulaire, si le formol tamponné 10 % est le plus utilisé, certaines analyses peuvent faire appel à des fixateurs particuliers : par exemple la fixation en alcool-formol-acétique (AFA) pour les biopsies rénales ou encore la fixation en glutaraldéhyde pour les prélèvements à visée d’examen en microscopie électronique. Il faut donc bien se renseigner sur les conditions de fixation nécessaires, y compris dans ces cas particuliers, pour éviter une analyse par la suite non ou incomplètement contributive.

En cas de doute, il faut solliciter l’avis ou conseil du pathologiste en amont même d’un prélèvement pour s’assurer de conditions de fixations optimales qui permettent d’assurer le bon déroulement des analyses en aval ;

•   pour les prélèvements cytologiques :

–   par séchage à l’air, fixation à l’alcool ou par application de laque pour les cellules étalées sur lames d’emblée par le préleveur,

–   dans un liquide de préservation après recueil par le préleveur.

Pour certains patients, en plus de l’analyse histopathologique/cytopathologique, on peut avoir besoin d’analyses bactériologiques, mycologiques, parasitologiques ou cytogénétiques par exemple. Pour ces analyses complémentaires, on peut transmettre une partie du prélèvement aux laboratoires de biologie médicale concernés avant fixation pour permettre notamment l’utilisation des techniques nécessitant des cultures de cellules ou agents microbiens et/ou des examens à l’état frais. Cette transmission peut être réalisée par le médecin préleveur ou, à défaut, par le médecin pathologiste destinataire du prélèvement en répartissant le matériel tissulaire/cellulaire de façon adéquate pour permettre le déroulement de l’ensemble des analyses.

C. Comment renseigner une demande d’analyse d’ACP ?

La fiche de renseignements est indispensable et indissociable du prélèvement.

Les éléments de cette fiche de renseignements sont :

•   l’identité du patient (nom, prénom, date de naissance, sexe, données d’identification du patient, ex : adresse, identifiant hospitalier ou numéro de sécurité sociale – appelé aussi NIR [numéro d’inscription au répertoire]) ;

•   l’identité du médecin prescripteur (nom, prénom, structure de soin et service, identifiants professionnels) ;

•   l’identité du préleveur (qui peut différer du prescripteur, mêmes informations que le prescripteur) ;

•   la date et l’heure de l’acte de prélèvement ;

•   la nature précise du (ou des) prélèvements (mode[s] de prélèvement, siège[s] précis du [des] prélèvement[s] avec au besoin détail et identification précise de chaque prélèvement en cas de prélèvements multiples) ;

•   le degré d’urgence de la demande (ex : demande d’examen extemporané, ou besoin de résultats d’analyses urgents au regard de l’évolution du patient nécessitant un traitement rapide) ;

•   les renseignements cliniques et hypothèses diagnostiques soulevées ainsi que les demandes d’analyses particulières.

Les données d’identité du patient et d’identification précise du prélèvement (en particulier en cas de prélèvements multiples) doivent également être présentes sur les contenants (« pots »).

III. Notions sur les analyses appliquées aux prélèvements d’ACP

A. Examen extemporané

Un examen extemporané consiste en une analyse anatomopathologique du prélèvement permettant de fournir un résultat en moins de 30 minutes au cours d’une intervention chirurgicale.

Cette contrainte de temps ne permet pas la réalisation d’une technique morphologique classique (cf. infra), et encore moins de techniques d’analyses complémentaires (immunohistochimie par exemple). Aussi, le résultat d’un examen extemporané est de moindre qualité morphologique. Il ne présente pas de caractère définitif et doit toujours être vérifié par poursuite du processus standard d’analyse d’un prélèvement d’ACP.

La figure 2.2 illustre la comparaison pour un même prélèvement d’une coupe étudiée en examen extemporané (technique : coupe au cryostat et coloration HES : hématéine-éosine-safran) et après fixation en formol et inclusion en paraffine.

Un examen extemporané n’est justifié que si la réponse à cet examen a une incidence immédiate sur un acte en cours +++.

Il s’agit au cours d’une intervention chirurgicale :

•   de définir la nature tumorale (ou non) d’une lésion ;

•   de définir le caractère malin ou bénin d’une lésion ;

•   de préciser l’extension d’une lésion tumorale (ex : appréciation d’une marge d’exérèse chirurgicale suffisante ou non, extension cancéreuse au « ganglion sentinelle » ou non) ;

•   ou encore de s’assurer que l’acte de prélèvement a intéressé un matériel suffisant pour permettre la poursuite des analyses.

La nécessité d’un examen extemporané, sa justification et les renseignements attendus doivent être mentionnés par écrit sur la fiche de renseignement adressée avec le prélèvement. Le prélèvement en question doit être acheminé immédiatement à l’état frais (non fixé) au service d’ACP.

B. Du prélèvement à l’interprétation microscopique des lésions

La majorité des analyses morphologiques en ACP sont réalisées sur prélèvements fixés.

Les prélèvements cytologiques peuvent être d’emblée utilisés pour coloration, interprétation morphologique microscopique et au besoin réalisation d’analyses complémentaires. Ces prélèvements cytologiques permettent ainsi d’obtenir une interprétation rapide, à visée d’orientation diagnostique, mais généralement plus limitée que les prélèvements histologiques.

Les prélèvements tissulaires nécessitent, après leur fixation, une étape de déshydratation et inclusion en paraffine pour permettre la conservation et le durcissement du tissu. Ensuite, il peut être fait de coupes tissulaires (environ 3 µm d’épaisseur par coupe), étalées sur lames de verre et utilisées pour les différentes analyses morphologiques. Cette inclusion en paraffine est, pour les pièces opératoires, précédée d’une étape d’examen macroscopique du prélèvement pour description et sélection des prélèvements tissulaires pour inclusion en paraffine.

Le processus technique de tissus « fixés en formol et inclus en paraffine » comporte ensuite une étape de déparaffinage et de réhydratation des coupes avant coloration ou autres techniques morphologiques.

La coloration standard est la coloration HES (H : hématoxyline ou hématéine ou hémalun, éosine et safran) ou HE (idem mais sans safran). D’autres colorations dites « spéciales » ou complémentaires sont réalisées en fonction de recherches particulières (bleu alcian pour mise en évidence de mucus, rouge Congo pour mise en évidence d’amylose, Ziehl pour mise en évidence de mycobactéries, etc.).

Un diagnostic morphologique à partir d’un prélèvement tissulaire est ainsi possible après 1 (biopsie) à 2 jours (pièce opératoire nécessitant une analyse macroscopique) mais ce délai est augmenté si des techniques complémentaires sont nécessaires pour préciser le diagnostic et/ou des critères pronostiques, ou théranostiques.

Les colorations spéciales sont réalisées sur demande du pathologiste suivant ses premières constatations microscopiques et hypothèses diagnostiques en confrontation avec les données cliniques fournies. Certaines sont également réalisées d’emblée dans une batterie initiale d’analyse d’un prélèvement donné (ex : ponction biopsie rénale, ponction-biopsie hépatique, biopsie cutanée). Différents exemples de colorations spéciales sont mentionnés dans les chapitres suivants.

C. Analyses complémentaires sur le prélèvement

Ces analyses complémentaires peuvent être « morphologiques », c’est-à-dire être analysables au microscope sur les prélèvements étalés sur lames, ou « non morphologiques », correspondant à des analyses moléculaires réalisées à partir d’acides nucléiques (ADN : acide désoxyribonucléique, ARN : acide ribonucléique) extraits d’échantillons tissulaires broyés.

1. Techniques morphologiques

1.1 Immunohistochimie (IHC) ou immunocytochimie

Le préfixe histo signifie « appliquée au tissu » et cyto « appliquée aux prélèvements cytologiques ». Ces techniques permettent de mettre en évidence la présence d’antigènes protéiques. Elles reposent sur l’utilisation d’anticorps ciblant les protéines d’intérêt et s’y fixant en cas de présence dans le prélèvement. Cette fixation des anticorps est visualisée grâce un système de révélation, qui peut être une réaction enzymatique chromogénique (avec un résultat coloré observable en microscopie à fond clair) ou un fluorochrome (nécessitant alors une interprétation en microscope à fluorescence).

Certaines de ces techniques, en particulier l’immunofluorescence, sont mal adaptées aux prélèvements fixés en formol et inclus en paraffine, et nécessitent d’être appliquées à des prélèvements frais (non fixés) congelés. On décrit des méthodes directes où l’anticorps est directement fixé au système de révélation (ex : immunofluorescence directe) et des méthodes indirectes où l’anticorps spécifique de la protéine d’intérêt est révélé par un second anticorps lui-même couplé au système de révélation.

La figure 2.3 présente des exemples de résultat d’analyse immunohistochimique indirecte et d’immunofluorescence directe.

L’analyse de ces marquages peut être qualitative (présent/absent, par exemple pour déterminer le type d’une tumeur) ou quantitative (avec un niveau d’expression protéique parfois exprimé sous forme de score, ex : HER2 ou PD-L1).

Un délai de 24 heures supplémentaire est en moyenne nécessaire pour réaliser ces techniques complémentaires, les interpréter et les intégrer à l’analyse du prélèvement.

1.2 Hybridation in situ (HIS)

C’est une autre technique morphologique ayant pour objet la mise en évidence de séquences d’acides nucléiques (ARN ou ADN) au sein du prélèvement. La complémentarité des bases entre la séquence cible au sein ces cellules du prélèvement et la sonde (couplée à un système de révélation, chromogénique ou fluorescent) permet de visualiser et de quantifier la séquence cible dans le prélèvement. Sa mise en œuvre technique et son interprétation nécessitent un délai de 1 à 2 journées supplémentaires.

La figure 2.4 présente des exemples de résultat d’analyse d’hybridation in situ.

2. Techniques non morphologiques

Une extraction d’ADN/ARN à partir du tissu pour rechercher par exemple des mutations ponctuelles, des réarrangements géniques ou des gains/pertes de matériel génomique peut être indiquée à des fins diagnostique, pronostique ou théranostique. Le recours à ces analyses complémentaires de biologie moléculaire nécessite en général plusieurs jours de technique et d’analyse au sein de plateformes techniques expertes.

Remarques

Les réarrangements géniques et gains/pertes de matériel génomique peuvent aussi être accessibles à un diagnostic par hybridation in situ (technique morphologique).

Les techniques d’analyses non morphologiques d’extraits d’acides nucléiques offrent la possibilité de réaliser plusieurs recherches d’altérations moléculaires différentes sur plusieurs gènes d’intérêt en une seule et même analyse, ce qui en constitue un avantage par rapport aux techniques morphologiques, souvent dédiées à une cible donnée par analyse. Cet avantage de « multiplexage » des analyses est particulièrement intéressant en cas de prélèvement de faible abondance nécessitant une multiplication des analyses et à risque d’épuisement tissulaire.

La figure 2.5 présente des exemples d’indications d’analyses moléculaires dans différentes pathologies cancéreuses.

3. Qualification morphologique du prélèvement

Elle est indispensable en amont de l’extraction des acides nucléiques pour s’assurer que le prélèvement contient bien les cellules d’intérêt en quantité suffisante et éventuellement de « l’enrichir » (ex : sélection dans le prélèvement d’une zone riche en cellules tumorales en cas d’analyse moléculaire sur un prélèvement de cancer).

La fixation au formol entraîne une fragmentation des acides nucléiques, ce qui entrave partiellement l’amplification par PCR souvent nécessaire dans les analyses de biologie moléculaire. L’analyse ciblée de séquences de tailles réduites demeure néanmoins possible à partir des acides nucléiques fragmentés des prélèvements fixés en formol et inclus en paraffine. Toutefois, pour des analyses nécessitant une meilleure qualité des acides nucléiques, l’extraction d’ARN/ADN à partir de prélèvements tissulaires congelés et conservés à –80 °C doit être privilégiée et est donc recommandée dans certains types tumoraux.

IV. Rendu du résultat et devenir du prélèvement

A. Interprétation et synthèse anatomoclinique

L’analyse d’un prélèvement d’ACP est réalisée par un médecin anatomopathologiste qui intègre les données macroscopiques, microscopiques et des techniques complémentaires au contexte clinique. Le résultat est communiqué sous la forme d’un compte rendu écrit et signé comportant les informations diagnostiques, pronostiques et théranostiques nécessaires à travers un vocabulaire spécifique.

Pour certaines pathologies tumorales rares ou complexes, une double lecture dans le cadre d’un réseau national de référence anatomopathologique est nécessaire et nécessite la transmission des lames et/ou blocs tissulaires pour seconde lecture (lymphomes, sarcomes, mésothéliomes par exemple).

Remarques

Au-delà des modalités de, conditionnement et acheminement des prélèvements, un médecin doit comprendre le vocabulaire spécifique du compte rendu, des techniques et de la conclusion pour adapter les choix thérapeutiques chez le patient, mais aussi pour lui délivrer une information appropriée.

Si l’analyse même des données macroscopiques, microscopiques et des techniques complémentaires relève du 3e cycle, les mises en situations en amont et en aval de l’analyse sont tout à fait adaptées et envisageables dans le cadre d’évaluations de type ECOS.

B. Conservation et utilisation des prélèvements

À l’issue de l’analyse initiale, les lames et prélèvements inclus en blocs de paraffine sont conservés et peuvent être utilisés a posteriori dans un cadre sanitaire à visée diagnostique, pronostique et théranostique (mise en évidence de marqueurs d’intérêt pour le traitement du patient). Des travaux de recherche peuvent également être réalisés à partir des prélèvements archivés, dans le respect de la réglementation concernant l’information et le consentement/la non-opposition du patient ainsi que la confidentialité et traçabilité des données.

Pour les prélèvements cytopathologiques, en cas d’abondance et de richesse suffisantes en cellules d’intérêt (ex : cellules tumorales), il est possible de concentrer les cellules et de les inclure en paraffine sous forme de « cytoblocs », ce qui permet la réalisation de techniques complémentaires sur des coupes de ce matériel cellulaire de la même façon que celles réalisables sur les prélèvements de tissus conservés en paraffine.

Points clés

•   Le médecin préleveur est responsable du choix et de la réalisation du bon prélèvement de cellules et/ou tissu à visée d’analyse anatomocytopathologique et de sa transmission adaptée au laboratoire.

•   La transmission d’une fiche de renseignements accompagnant le prélèvement et correctement remplie par le médecin préleveur est indispensable.

•   Certains prélèvements doivent être adressés « à l’état frais » (= non fixés) pour permettre la réalisation de certaines analyses telles que l’examen extemporané.

•   L’examen extemporané nécessite l’acheminement « à l’état frais » du prélèvement en urgence permettant, par un rendu de résultat préliminaire en moins de 30 minutes, de guider la poursuite d’un geste chirurgical en cours.

•   L’analyse anatomocytopathologique repose sur l’analyse morphologique macroscopique et microscopique de lésions en corrélation avec les données cliniques. Cette analyse peut être aidée par des techniques morphologiques complémentaires ou de biologie moléculaire non morphologique sur des acides nucléiques extraits des prélèvements.

•   La synthèse des différentes données permet la rédaction d’un compte rendu comportant des informations diagnostiques, pronostiques et/ou théranostiques.

•   La conservation des prélèvements anatomocytopathologiques permet la réalisation d’analyses supplémentaires a posteriori dans un cadre sanitaire ou de recherche dans le respect de la réglementation en vigueur.

Tableau 2a et tableau 2b : exemples de différentes techniques particulières en dehors de la fixation formolée/inclusion en paraffine et coloration d’HE appliquées dans les items traités dans l’ouvrage (ces données sont synthétiques et à titre d’exemple ou d’information).

CHAPITRE 3 - Item 292 - Diagnostic des cancers : signes d’appel et investigations paracliniques ; caractérisation du stade ; pronostic

Auteure : Dominique Wendum

Situations de départ

180 Interprétation d’un compte rendu d’anatomopathologie

181 Tumeurs malignes sur pièce opératoire/biopsie

Items : voir tableau 3 

I.   Généralités

II.   Compte rendu d’anatomie pathologique d’une pièce opératoire en cancérologie

III.   Double lecture systématisée

I. Généralités

En pathologie tumorale, l’examen anatomocytopathologique fait souvent partie des examens clés pour :

•   le dépistage (ex : frottis cervico-utérin [FCU] pour le cancer du col) ;

•   le diagnostic ou « preuve anatomopathologique » (concerne quasiment tous les cancers « solides ») ;

•   la détermination du stade d’extension d’une tumeur maligne sur pièce opératoire (TNM anatomopathologique = pTNM) ;

•   l’évaluation du pronostic ;

•   la recherche de cibles thérapeutiques spécifiques

Les médecins anatomopathologistes participent de ce fait souvent activement aux réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) organisées pour déterminer le traitement le plus adapté à chaque patient.

II. Compte rendu d’anatomie pathologique d’une pièce opératoire en cancérologie

De manière générale, sur une pièce de résection à but curatif d’un cancer, il est précisé :

•   le type histologique de la tumeur (suivant la classification de l’OMS [Organisation mondiale de la santé] en vigueur, les principaux éléments de vocabulaire sont définis plus loin) ;

•   les facteurs histopronostiques (§ 3.1) propres à chaque type de cancer ;

•   l’extension, en précisant les points nécessaires pour établir le stade d’extension suivant la classification pTNM ;

•   le stade (§ 3.2) pTNM (en précisant l’année d’édition du TNM appliqué) ; la qualité de l’exérèse chirurgicale (§ 3.3).

§ 3.1 Facteurs histopronostiques

Les facteurs histopronostiques correspondent à des caractéristiques histologiques influençant de manière significative le pronostic de la maladie. Ils peuvent être différents d’un type de cancer à l’autre.

Exemples :

•   présence d’un contingent non séminomateux pour un cancer du testicule ;

•   grade d’Elston et Ellis pour le cancer du sein, score de Gleason pour le cancer de prostate ;

•   index de marquage de Ki-67 pour les tumeurs neuroendocrines digestives.

§ 3.2 Stade d’un cancer

Le stade d’un cancer correspond à son extension dans l’organe et l’organisme :

•   T traduit l’extension de la tumeur dans l’organe ;

•   N traduit la présence ou non de métastases ganglionnaires locorégionales (N pour node signifiant ganglion en anglais) ;

•   M traduit la présence ou non de métastases à distance.

N.B. : Chaque organe a une classification TNM propre. Il existe une mise à jour des stades TNM avec parfois des modifications des définitions. Il faut donc toujours préciser l’année d’édition du TNM utilisée.

Le pTNM est le TNM établi sur les données anatomopathologiques.

ypTNM est le TNM établi sur les données anatomopathologiques après traitement néoadjuvant préalable à la chirurgie.

Pour certains organes, en cas de métastase ganglionnaire, il doit être précisé la présence éventuelle d’une rupture capsulaire. Cela correspond à la destruction de la capsule périphérique du ganglion par la prolifération tumorale métastatique au départ intraganglionnaire avec infiltration du tissu conjonctif adjacent.

§ 3.3 Qualité de l’exérèse chirurgicale

Elle s’évalue en précisant la distance (ou marge minimale de sécurité), dans différentes directions, entre la tumeur et les différentes limites de résection, si besoin préalablement repérées par le chirurgien ou lors de l’examen anatomopathologique macroscopique de la pièce opératoire. En RCP, avec ces données anatomopathologiques et les données macroscopiques peropératoires, le reliquat tumoral après exérèse chirurgicale est défini selon la codification suivante :

•   R0 = absence de reliquat tumoral : exérèse complète avec limites saines ;

•   R1 = présence d’un reliquat tumoral microscopique : la tumeur est au contact de la limite de résection microscopique ;

•   R2 = présence d’un reliquat tumoral macroscopique : de la tumeur visible a été laissée en place lors du geste opératoire (si impossibilité chirurgicale de réaliser une exérèse complète).

Parfois il y a aussi une évaluation :

•   du tissu non tumoral (présence de lésions tissulaires précancéreuses ou liées à un traitement préopératoire ?) ;

•   de la réponse à un traitement antitumoral préopératoire (néoadjuvant) sous forme le plus souvent d’un grade de régression ;

•   de facteurs prédictifs de réponse ou non-réponse à certains traitements (encadré 3.4).

Encadré 3.4

Facteurs prédictifs de réponse ou non-réponse à certains traitements

L’évaluation de facteurs prédictifs de réponse ou non-réponse à certains traitements est parfois appelée le « théranostic » (pronostic de réponse à la thérapeutique).

Ce domaine est en évolution constante et permet de prescrire des traitements en fonction du phénotype individuel de chaque tumeur (« médecine personnalisée » avec prescription de « thérapies ciblées »).

Exemples :

•   expression des récepteurs hormonaux dans le cancer du sein évaluée par immunohistochimie ;

•   surexpression du récepteur HER2 dans le cancer du sein et de l’estomac évaluée par immunohistochimie ± hybridation in situ ;

•   absence de mutation du gène KRAS dans le cancer du côlon évaluée par biologie moléculaire.

III. Double lecture systématisée

Pour certains types tumoraux rares ou de diagnostic complexe (lymphomes, sarcomes, mésothéliomes par exemple), l’INCa a mis en place une double lecture systématisée par des réseaux de référence anatomopathologiques nationaux.

Points clés

•   En pathologie tumorale, l’examen anatomocytopathologique fait très souvent partie des examens clés pour le dépistage, le diagnostic, la détermination du stade d’extension d’une tumeur maligne (pTNM), l’évaluation du pronostic et le choix du traitement.

•   De manière générale, sur une pièce de résection à but curatif d’un cancer, il doit être précisé :

–   le type histologique de la tumeur ;

–   les facteurs histopronostiques propres à chaque type de cancer ;

–   l’extension, en précisant les points nécessaires pour établir le stade d’extension pTNM ;

–   le stade pTNM ;

–   la qualité de l’exérèse chirurgicale.

•   Parfois, il y a aussi une évaluation :

–   du tissu non tumoral (présence de lésions tissulaires précancéreuses, lésions secondaires à un traitement préopératoire [néoadjuvant] ?) ;

–   de la réponse à un traitement antitumoral néoadjuvant sous forme d’un grade de régression ;

–   de facteurs prédictifs de réponse ou non-réponse à certains traitements.

•   Pour certains cancers, il y a une double lecture systématisée par des réseaux de référence anatomopathologiques nationaux.