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II-a. Pathologie digestive. Foie

Pathologie digestive - a) Foie

Auteurs : Jeremy Augustin, Dominique Wendum

Chapitre 1 - Cirrhose et pathologie du fer

I.   Définition

II.   Étiologies

III.   Diagnostic

IV.   Apport de l’anatomie pathologique pour le diagnostic étiologique de l’hépatopathie

Item 279 – Cirrhose et complications

Hiérarchisation des connaissances : tableau 4.1 et tableau 4.2 

I. Définition

La cirrhose est un processus diffus à l’ensemble du foie défini par une fibrose muti-lante (c’est-à-dire détruisant l’architecture lobulaire normale du foie), délimitant des nodules hépatocytaires appelés nodules de « régénération ».

On distingue les cirrhoses micronodulaires où la majorité des nodules cirrhotiques sont inférieurs à 3 mm, et les cirrhoses macronodulaires où la majorité des nodules cirrhotiques sont supérieurs 3 mm (figure 4.1 et figure 4.2).

Sur le plan physiopathologique, toute agression chronique du foie peut aboutir à une cirrhose en cas d’évolution prolongée (plus de 10 ans en général).

En effet, après une agression tissulaire, la réparation comporte une régénération hépatocytaire, mais aussi possiblement une cicatrisation (= remplacement du tissu détruit par de la fibrose). Si l’agression tissulaire persiste, la fibrose devient au bout d’un certain temps mutilante, c’est-à-dire qu’elle modifie l’architecture du tissu. L’aboutissement de ce processus permanent de « destruction/réparation avec fibrose » est la cirrhose.

Le diagnostic non invasif de cirrhose et sur ponction-biopsie hépatique peut être pris en défaut dans les formes macronodulaires car le tissu fibreux en excès y est moins abondant.

II. Étiologies

La cirrhose est l’évolution ultime possible de toute hépatopathie chronique.

Les hépatopathies chroniques les plus fréquentes en France sont :

•   les hépatopathies alcooliques ;

•   les hépatites virales chroniques (virus de l’hépatite C, virus de l’hépatite B ± delta) ;

•   les stéatopathies métaboliques (associées à un syndrome dysmétabolique) ;

•   l’hémochromatose.

D’autres causes sont plus rares :

•   toxiques autres que l’alcool (médicaments, toxiques « professionnels », plantes, etc.) ;

•   hépatites auto-immunes ;

•   maladies des voies biliaires (cholangite biliaire primitive, cholangite sclérosante primitive) ;

•   autres maladies métaboliques rares : maladie de Wilson, déficit en alpha-1-antitrypsine, etc.

III. Diagnostic

De nombreuses cirrhoses sont compensées et asymptomatiques.

Il est important d’en faire le diagnostic pour une prise en charge adaptée dont l’un des objectifs est de dépister les complications pour les traiter à un stade précoce (dépistage du carcinome hépatocellulaire, recherche de varices œsophagiennes, etc.).

Une preuve histologique n’est pas indispensable pour poser le diagnostic de cirrhose. Il existe des moyens dits non invasifs généralement mis en œuvre en 1re intention.

A. Tests diagnostiques non invasifs

En cas de suspicion de cirrhose compensée, des tests dits « non invasifs » généralement faits en 1re intention.

Le principe de ces tests repose :

•   sur des dosages sanguins ;

•   ou sur une estimation physique de la dureté du foie (ex : élastométrie impulsionnelle ultraso-nore = FibroScan®).

Les recommandations des types de tests non invasifs à faire et leur interprétation sont fonction de l’étiologie de l’hépatopathie et sont du domaine de la spécialité.

B. Ponction-biopsie hépatique (PBH)

1. Indication

De manière générale, la biopsie hépatique n’est faite qu’après l’analyse des résultats des tests non invasifs et si son résultat modifie la prise en charge du patient, car la réalisation d’une PBH peut entraîner des complications parfois graves.

Remarque : Une biopsie hépatique transveineuse peut être réalisée en cas de contre-indication à la PBH transpariétale (ascite, troubles de l’hémostase, etc.).

Le diagnostic histologique repose sur la mise en évidence de bandes de fibrose, d’épaisseur variable, formant des nodules avec destruction de l’architecture lobulaire normale du foie (figure 4.3).

2. Performances pour le diagnostic de cirrhose

Il n’y a pratiquement pas de faux positifs (spécificité du diagnostic histologique de 99 %).

Il existe des faux négatifs (sensibilité de l’histologie pour le diagnostic de cirrhose d’environ 80 %). Ces faux négatifs sont en général liés à :

•   la qualité du matériel prélevé (biopsie de trop petite taille ou trop fragmentée ne permettant pas de mettre en évidence la destruction de l’architecture et la nodulation) ;

•   la nature de la cirrhose : les cirrhoses macronodulaires sont de diagnostic difficile puisque les nodules cirrhotiques sont de grande taille et peuvent ne pas être visualisables sur une biopsie qui fait environ 1 mm de large.

La réalisation de colorations spécifiques de la fibrose (trichrome de Masson ou rouge Sirius) amé-liore les performances diagnostiques de la biopsie.

IV. Apport de l’anatomie pathologique pour le diagnostic étiologique de l’hépatopathie

L’apport de l’anatomie pathologique est tout à fait relatif :

•   le diagnostic étiologique est souvent fait grâce aux informations cliniques et paracliniques (no-tion de consommation excessive d’alcool, hépatite virale chronique connue par exemple) ;

•   les lésions tissulaires sont rarement spécifiques : elles orientent plutôt vers certains groupes de pathologies ;

•   les lésions élémentaires tissulaires en faveur d’une étiologie peuvent disparaître au cours de l’évolution de la maladie, ou par le traitement de la cause (sevrage alcoolique ou traitement antiviral, saignées en cas d’hémochromatose faisant disparaître la surcharge en fer, etc.), alors que la cirrhose est déjà constituée.

La biopsie hépatique garde cependant une place dans certaines pathologies telles que l’hépatite alcoolique aiguë, la stéatohépatite dysmétabolique, l’hépatite auto-immune, plus rarement pour le diagnostic de cholangite biliaire primitive ou cholangite sclérosante.

L’aspect histologique permet parfois aussi de suggérer des pathologies associées (hépatite auto-immune + stéatopathie par exemple).

Les lésions fréquemment associées à certaines étiologies sont décrites dans le tableau 4.3.

A. Consommation excessive d’alcool

1. Stéatose macrovacuolaire

Elle correspond à l’accumulation de graisses (triglycérides principalement) dans le cytoplasme des hépatocytes (figure 4.4).

2. Hépatite alcoolique aiguë (figure 4.5)

La PBH met en évidence des lésions de :

–   ballonnisation hépatocytaire/nécrose hépatocytaire ;

–   corps de Mallory (agrégats de filaments de cytokératine dans le cytoplasme) ;

–   infiltrats inflammatoires avec des polynucléaires neutrophiles au sein des travées hépatocytaires ;

–   fibrose périsinusoïdale/péricellulaire.

Ces lésions sont très souvent accompagnées d’une fibrose au stade de cirrhose.

B. Stéatohépatite dysmétabolique

La stéatohépatite fait partie des stéatopathies métaboliques.

Histologiquement la stéatohépatite associe :

•   stéatose ;

•   ballonnisation hépatocytaire ;

•   infiltrats inflammatoires intralobulaires.

Il existe un risque évolutif vers une fibrose mutilante pouvant aboutir à une cirrhose.

C. Cholangite biliaire primitive (CBP)

Attention ! Cette maladie était appelée auparavant « cirrhose biliaire primitive ».

Le diagnostic est suspecté sur des arguments cliniques et biologiques (femme de plus de 40 ans, cholestase et présence d’Ac [anticorps] anti-mitochondries de type M2 > 1/40e ou d’anticorps an-tinoyaux particuliers).

La lésion histologique évocatrice est la cholangite destructrice lymphocytaire ou granulomateuse. Cela correspond à une inflammation et une destruction des canaux biliaires situés dans les espaces portes. Cette lésion n’est visible sur une biopsie que dans environ 30 % des cas en raison de sa répartition hétérogène au sein du parenchyme hépatique.

L’évolution peut se faire vers :

•   une disparition des canaux biliaires (ductopénie) ;

•   l’apparition d’une fibrose hépatique.

Il existe un risque évolutif vers la cirrhose.

D. Cholangite sclérosante primitive (CSP)

Elle atteint typiquement l’homme vers 40 ans ; elle est associée à une maladie inflammatoire chronique de l’intestin dans 60 à 80 % des cas.

La lésion histologique caractéristique est la cholangite fibreuse oblitérante.

Elle correspond à une fibrose concentrique autour du canal biliaire s’accompagnant de lésions de l’épithélium biliaire avec sténose ou disparition de la lumière du canal. Cette lésion n’est visible sur une biopsie que dans environ 30 % des cas en raison de sa répartition hétérogène au sein du parenchyme hépatique.

Le diagnostic est habituellement fait à la cholangio-IRM (imagerie par résonance magnétique).

La cholangio-IRM révèle des sténoses multiples ± dilatations des voies biliaires.

Certaines formes ne touchant que les « petits » canaux biliaires ne sont mises en évidence que par la biopsie hépatique.

L’évolution peut se faire vers :

•   une disparition des canaux biliaires (ductopénie) ;

•   l’apparition d’une fibrose hépatique.

Il existe un risque évolutif vers la cirrhose.

E. Hépatite auto-immune

Cette maladie à prédominance féminine est associée à un contexte de maladies auto-immunes. On observe des autoanticorps à titre élevé (Ac antinucléaires et antitissus [antimuscle lisse, anti-LKM]) et une hypergammaglobulinémie.

Les lésions histologiques évocatrices d’hépatite auto-immune sont principalement :

•   une activité inflammatoire marquée surtout périportale (hépatite d’interface diffuse), plus ra-rement intralobulaire ;

•   un infiltrat inflammatoire riche en plasmocytes ;

Il existe un risque évolutif vers la cirrhose.

F. Hémochromatose

Dans l’hémochromatose, l’évaluation de la surcharge en fer se fait par la biologie et l’IRM. La biop-sie hépatique sert à rechercher les complications hépatiques de la surcharge en fer, principale-ment la fibrose.

La biopsie hépatique est indiquée pour rechercher une éventuelle fibrose importante (fibrose avancée/cirrhose).

La biopsie hépatique doit être discutée seulement si la ferritinémie est supérieure à 1 000 µg/L ou s’il existe une augmentation des ASAT (aspartate-aminotransférases) ou un cofacteur de mala-die hépatique (alcool, virus, syndrome métabolique, etc.).

La PBH permet :

•   de confirmer et semi-quantifier la surcharge en fer ;

•   d’évaluer le degré de fibrose.

Le fer sous forme d’hémosidérine est visualisé sur une coupe histologique avec une coloration dite « spéciale » (coloration de Perls) (figure 4.6).

Pour visualiser au mieux la fibrose, une coloration dite « spéciale » de la fibrose doit être faite (trichrome de Masson, Rouge Sirius, etc.).

Points clés

•   La cirrhose est un processus diffus caractérisé par une fibrose mutilante détruisant l’architecture nor-male du foie et isolant des nodules hépatocytaires.

•   Il n’est pas forcément nécessaire d’avoir une preuve histologique pour poser le diagnostic de cirrhose.

•   Certains signes histologiques peuvent orienter le diagnostic étiologique d’une hépatopathie. La biopsie hépatique garde une place dans certaines pathologies telles que l’hépatite alcoolique aiguë, la stéa-tohépatite dysmétabolique ou l’hépatite auto-immune.

•   Au cours de l’hémochromatose, la biopsie hépatique est indiquée pour rechercher une éventuelle fibrose importante/cirrhose, et ne doit être discutée que si la ferritinémie est supérieure à 1 000 µg/L, ou s’il existe une augmentation des ASAT ou un cofacteur de maladie hépatique. Lorsqu’elle est indi-quée, sur la PBH évalue la fibrose, la surcharge en fer.

Chapitre 2. Item 304 – Tumeurs du foie, primitives et secondaires

I.   Tumeurs bénignes

II.   Tumeurs primitives malignes

III.   Tumeurs secondaires (métastases)

Hiérarchisation des connaissances tableau 4.4 

I. Tumeurs bénignes

Les lésions hépatiques bénignes sont des lésions très fréquentes et souvent de découverte fortuite.

A. Hémangiome (angiome)

•    Lésion bénigne fréquente (environ 5 % de la population), prédominance féminine.

•   Nature de la lésion : tumeur vasculaire bénigne faite de cavités de taille variable remplies de sang et bordées par des cellules endothéliales sans signes de malignité.

•   Diagnostic : radiologique (échographie ++, voire IRM si doute).

•   Évolution : en général lésion stable, asymptomatique. Les complications (hémorragies et thromboses intralésionnelles) sont très rares et concernent les lésions très volumineuses.

•   PBH pour examen anatomopathologique contre-indiquée (risque hémorragique).

•   Traitement : aucun en l’absence de complication, pas de surveillance.

B. Hyperplasie nodulaire focale (HNF)

•   Lésion intéressant environ 0,1 % de la population avec prédominance féminine (entre 20 et 50 ans), non associée à la prise d’œstroprogestatifs, souvent de découverte fortuite.

•   Nature de la lésion : lésion hyperplasique (polyclonale), secondaire à des anomalies vascu-laires focales.

•   Aspect anatomopathologique :

–   macroscopie : lésion bien limitée, sans capsule, homogène sans nécrose ni hémorragie avec une cicatrice fibreuse centrale (très fréquente mais pas toujours présente) (figure 4.7) ;

–    histologie : travées de fibrose avec vaisseaux à paroi épaisse, hépatocytes sans atypies, ductules.

Diagnostic : affirmé par l’imagerie lorsque l’aspect est typique (cinétique vasculaire typique/présence d’une cicatrice fibreuse centrale). Lorsque le diagnostic est incertain, une biopsie hépatique avec examen anatomopathologique est proposée (biopsie dans la lésion et dans le foie non lésionnel).

•   Évolution : pas de risque d’évolution vers un cancer, complications très rares (hémorragies, douleurs).

•   Traitement : en général aucun, pas de surveillance nécessaire. L’exérèse chirurgicale peut être discutée en cas de doute diagnostique persistant même après biopsie ou en cas de symptomatologie (avis spécialisé).

Remarque

Il est conseillé de faire une biopsie de la lésion et du foie non lésionnel car le diagnostic anatomopathologique est facilité par la comparaison de ces deux éléments (aspect microscopique et immunomarquages). Cela est vrai également pour le diagnostic anatomopathologique d’adénome hépatocellulaire.

C. Adénome hépatocellulaire

•   Tumeur encore plus rare (< 0,01 %) intéressant la femme entre 20 et 50 ans avec un rôle fa-vorisant des contraceptifs oraux.

•   Nature de la lésion : lésion tumorale hépatocytaire bénigne (prolifération monoclonale d’hépatocytes).

•   Aspect anatomopathologique :

–   macroscopie : lésion bien limitée, sans capsule, parfois hétérogène (nécrose, hémorragie), sans cicatrice fibreuse centrale (figure 4.8) ;

–    histologie : prolifération d’hépatocytes sans signes de malignité + petits vaisseaux.

•    Diagnostic : suspecté radiologiquement mais nécessite en général une confirmation histo-logique par ponction-biopsie de la tumeur et du parenchyme hépatique non tumoral avec examen anatomopathologique.

•   Évolution : lésion tumorale bénigne avec un risque de transformation en carcinome hépato-cellulaire et un risque hémorragique (hémopéritoine). Ces deux risques de complications dé-pendent de la taille de la lésion et de son sous-type.

•   Traitement : au mieux discuté en RCP en milieu spécialisé. La contraception orale doit être arrêtée.

•    Les caractéristiques histologiques, immunohistochimiques et moléculaires des adénomes définissent différents sous-types dont le pronostic est différent en termes de risque de sai-gnement et/ou de cancérisation.

•   Les décisions thérapeutiques peuvent parfois dépendre du sous-type de l’adénome.

D. Kyste biliaire

•    Lésion fréquente (environ 5 % de la population).

•   Nature de la lésion, aspect : kyste dont la paroi fibreuse est tapissée par des cellules de type biliaire et contenant du liquide clair sécrété par ces cellules. Il ne communique pas avec les voies biliaires.

•   Diagnostic : radiologique (le plus souvent échographique).

•   Traitement : aucun en l’absence de complication (hémorragie intrakystique, infection), pas de surveillance.

II. Tumeurs primitives malignes

Remarque : Parmi les tumeurs malignes du foie, les tumeurs secondaires (métastases) sont les plus fréquentes.

A. Carcinome hépatocellulaire (CHC)

1. Épidémiologie

•    Cancer primitif du foie le plus fréquent (> 80 %) (figure 4.9).

•   Survient en Occident dans environ 90 % des cas sur un foie cirrhotique ou avec fibrose avancée.

2. Histologie

Le CHC correspond à une tumeur épithéliale maligne avec une différenciation hépatocytaire des cellules tumorales. Il appartient à la famille des adénocarcinomes car les cellules tumorales fabriquent et exportent des substances (bile, albumine, etc.) (figure 4.10).

Il existe plusieurs variantes de CHC dont deux très particulières :

•   le carcinome hépatocellulaire fibrolamellaire. Il survient chez le sujet jeune, habituellement sur un foie non cirrhotique, avec des anomalies moléculaires quasiment spécifiques (présence d’un transcrit de fusion DNAJB1-PRKACA) et serait de meilleur pronostic ;

•   l’hépato-cholangiocarcinome. La tumeur présente deux composantes intriquées de carcinome hépatocellulaire et de cholangiocarcinome. Les modalités de traitement de ce type de tumeur ne sont pas clairement codifiées. Ces tumeurs seraient plus proches des cholangiocarcinomes.

3. Lésions précancéreuses

•    La cirrhose est un état précancéreux justifiant le dépistage du CHC chez les patients cirrho-tiques (échographie/6 mois).

•    L’incidence de survenue annuelle de CHC sur une cirrhose est de 1 à 5 % et dépend entre autres de l’étiologie de la cirrhose.

•   L’adénome hépatocellulaire peut se transformer en CHC.

•    Une des voies de développement du CHC sur cirrhose est : nodule cirrhotique → macronodule de régénération → macronodule dysplasique de bas grade → macronodule dysplasique de haut grade → CHC.

4. Diagnostic

Il faut distinguer si la tumeur s’est développée chez un patient cirrhotique ou non.

En effet, en cas de cirrhose, il est possible de porter un diagnostic de CHC sur des caractéristiques précises en imagerie. L’utilisation des critères d’imagerie pour poser le diagnostic de CHC doit se faire dans des conditions techniques et d’interprétation rigoureuses. Il s’agit là d’une exception à la notion générale de « preuve histologique de cancer obligatoire ».

En cas de foie non cirrhotique, la biopsie est nécessaire pour faire le diagnostic de CHC.

En cas d’imagerie atypique ou en l’absence de cirrhose, la PBH échoguidée sur la tumeur et sur le foie non tumoral avec examen anatomopathologique est nécessaire.

L’analyse histologique permet de faire le diagnostic de CHC et de donner des éléments pronostiques qui peuvent être pris en compte pour la stratégie thérapeutique ultérieure.

L’évaluation du foie non tumoral permet d’identifier et caractériser l’existence d’une hépatopathie sous-jacente, en complément des données de la biologie et de l’imagerie.

5. Extension

L’extension des CHC se fait principalement par voie vasculaire (les métastases ganglionnaires sont donc exceptionnelles au cours du CHC).

B. Cholangiocarcinome

C’est la deuxième tumeur primitive du foie en fréquence (environ 10 %).

1. Types histologiques

Le cholangiocarcinome correspond à une tumeur épithéliale maligne à différenciation biliaire ; il s’agit d’un adénocarcinome.

2. Types anatomiques

On différencie :

•   le cholangiocarcinome intrahépatique (10 %) ;

•   le cholangiocarcinome périhilaire ou tumeur de Klatskin (50 %) ;

•   le cholangiocarcinome distal de la voie biliaire principale (extrahépatique) (40 %).

Histologiquement, les cholangiocarcinomes sont classés en fonction de leur grade de différenciation : bien/moyennement/peu différencié (figure 4.11).

3. Facteurs de risque, lésions précancéreuses

Les principaux facteurs de risque de cholangiocarcinome sont les suivants :

•   cholangite sclérosante primitive ;

•   cirrhose

•   lithiase biliaire intrahépatique ;

•   malformations biliaires ;

•   parasitoses intrabiliaires.

Les lésions précancéreuses sont :

•   la dysplasie de l’épithélium biliaire (néoplasie intra-épithéliale biliaire) ;

•   la néoplasie papillaire intracanalaire.

4. Diagnostic

Le diagnostic, même en cas de cirrhose, est anatomopathologique (« preuve histologique »). En cas de tumeur périphérique, accessible, le diagnostic se fait par biopsies dirigées de la tumeur et du foie non tumoral avec examen anatomopathologique.

Les cholangiocarcinomes hilaires ou de la voie biliaire principale sont moins « accessibles » : la preuve histologique ou cytologique du cancer avant chirurgie est parfois difficile à obtenir (ponction guidée par échoendoscopie ou prélèvements endobiliaires par brossage ou biopsies, etc.). La confirmation histologique ne se fait parfois que sur la pièce de résection opératoire.

5. Extension

L’extension se fait essentiellement par voie lymphatique.

III. Tumeurs secondaires (métastases)

Les métastases hépatiques sont les tumeurs malignes du foie les plus fréquentes.

Les cancers primitifs le plus souvent en cause sont :

•   les adénocarcinomes digestifs : côlon +++, estomac, pancréas ;

•   les cancers du sein, du poumon ;

•   le mélanome.

Les métastases peuvent être :

•   synchrones, lorsqu’elles sont d’emblée présentes lors du diagnostic du primitif ;

•   métachrones, lorsqu’elles apparaissent dans un deuxième temps.

Dans un contexte de cancer connu, le diagnostic positif de métastase hépatique est en général radiologique.

La preuve histologique de la lésion n’est pas nécessaire dans un contexte de cancer primitif connu, his-tologiquement prouvé, évolutif ou récent (< 2-3 ans), avec une imagerie typique.

Une biopsie de suspicion de métastase peut être indiquée dans les cas suivants :

•   aspect inhabituel des lésions à l’imagerie ;

•   pas de cancer primitif connu ou retrouvé ;

•   antécédent de cancer primitif ancien ;

•   plusieurs antécédents de cancers différents (antécédent de cancer du sein et du côlon, par exemple) ;

•   plusieurs primitifs présents d’emblée ;

•   recherche d’une cible thérapeutique (récepteurs hormonaux, HER2, mutations KRAS, etc.).

En effet, le traitement peut dépendre :

•   du type histologique (mélanome, adénocarcinome, tumeur endocrine, etc.) ;

•   du site primitif (adénocarcinomes métastatiques coliques ou pancréatiques, mammaires, etc.) ;

•   des éventuelles caractéristiques moléculaires de la tumeur (mutation KRAS, instabilité des mi-crosatellites, expression de HER2, expression de PD-L1, etc.).

Dans certains cas, les métastases peuvent faire l’objet d’une résection chirurgicale.

Sur les pièces de résection chirurgicale, l’examen anatomopathologique doit préciser :

•   le nombre et la taille des lésions ;

•   le type histologique avec sa différenciation (qui peut se modifier par rapport à la tumeur d’origine) ;

•   l’extension ;

•   la réponse au traitement préopératoire (régression tumorale) ;

•   la qualité de l’exérèse avec mesure de la marge ;

•   la présence d’éventuelles lésions du parenchyme hépatique non tumoral induites par les traitements préopératoires (toxicité des chimiothérapies).

Points clés

Tumeurs bénignes

•   Le kyste biliaire et l’hémangiome sont des lésions hépatiques très fréquentes et leur diagnostic est radiologique.

•   L’hyperplasie nodulaire focale est une lésion non tumorale sans risque de transformation cancéreuse dont le diagnostic est le plus souvent fait en imagerie.

•   L’adénome hépatocellulaire est une lésion tumorale bénigne qui se transforme en cancer ou saigner. Il existe différents sous-types d’adénomes hépatocytaires de pronostic différent. Une PBH dirigée avec examen anatomopathologique est nécessaire.

Tumeurs malignes

•   En cas de cirrhose, le diagnostic de carcinome hépatocellulaire peut être affirmé sur certains critères stricts d’imagerie. En cas d’imagerie atypique ou en l’absence de cirrhose, la PBH dirigée avec examen anatomopathologique est nécessaire.

•   Pour les métastases hépatiques, la preuve histologique de la lésion n’est pas nécessaire dans un con-texte de cancer primitif connu, histologiquement prouvé, évolutif ou récent, avec une imagerie ty-pique.

•   Pour les métastases, le traitement étant dépendant du type histologique, du site primitif et d’éventuelles caractéristiques propres (moléculaires/immunohistochimiques) de la tumeur, une biop-sie peut être indiquée en l’absence de cancer primitif connu ou retrouvé, d’antécédent de cancer primitif ancien ou de plusieurs antécédents de cancers, ou pour rechercher une cible thérapeutique spécifique.

Chapitre 3. Item 167 – Hépatites virales

I.   Prérequis : histologie du foie

II.   Définition des hépatites

III.   Hépatites aiguës et biopsie hépatique

IV.   Hépatites virales chroniques et biopsie hépatique

Hiérarchisation des connaissances tableau 4.5 

I. Prérequis : histologie du foie

Histologiquement, le parenchyme hépatique est constitué de lobules, schématiquement hexagonaux, avec un espace porte à chaque sommet. Les lobules sont centrés par une veine centrolo-bulaire.

L’espace porte (figure4-12) est constitué d’un tissu conjonctif contenant :

•   une branche de la veine porte ;

•   une ou plusieurs branches de l’artère hépatique ;

•   un ou plusieurs canaux biliaires interlobulaires.

La première rangée d’hépatocytes bordant un espace porte est appelée la lame bordante hépatocytaire.

Les hépatocytes sont disposés en travées séparées par les sinusoïdes. Les sinusoïdes sont bordées de cellules endothéliales et de cellules de Küpffer (histiocytes tissulaires).

Les sinusoïdes drainent le sang provenant de l’espace porte vers les veines centrolobulaires (qui se drainent vers les veines sus-hépatiques).

II. Définition des hépatites

Histologiquement, les hépatites sont caractérisées par des lésions de nécrose et d’inflammation au niveau du parenchyme hépatique.

Ces lésions peuvent se situer au niveau des lames bordantes (= hépatite d’interface / figure 4.13) et/ou au niveau des hépatocytes à l’intérieur du lobule (= hépatite lobulaire / figure 4.14).

L’examen d’une biopsie hépatique permet donc de mettre en évidence des lésions de mort cellulaire hépatocytaire (apoptose par exemple) ainsi que des cellules inflammatoires.

La notion de caractère aigu ou chronique d’une hépatite est clinicobiologique (hépatite aiguë = durée < 6 mois, chronique = durée > 6 mois).

Au niveau du tissu hépatique, l’inflammation chronique est caractérisée par l’association de lé-sions nécrotico-inflammatoires sus-décrites avec une fibrose cicatricielle, pouvant s’aggraver au cours du temps et, éventuellement, aboutir à une cirrhose.

III. Hépatites aiguës et biopsie hépatique

Le diagnostic d’hépatite aiguë est clinique et biologique : il n’y a en général pas d’indication de la PBH sauf cas particulier (ex : suspicion d’hépatite auto-immune [cf. supra item 279] ou, plus ra-rement, d’hépatite médicamenteuse).

Les lésions histologiques n’étant pas spécifiques, on peut tout au plus voir des lésions qualifiées d’évocatrices d’une étiologie proposée, compatibles ou inhabituelles (en proposant alors d’autres étiologies possibles).

À noter que l’hépatite alcoolique dite aiguë n’est pas à proprement parler une hépatite aiguë au sens clinique. Elle a été dénommée ainsi parce que l’on observe des polynucléaires neutrophiles associés aux lésions hépatocytaires, mais il y a toujours une fibrose associée fréquemment au stade de cirrhose. Il s’agit donc d’un épisode clinique aigu sur une hépatopathie alcoolique chro-nique (cf. supra item 279).

IV. Hépatites virales chroniques et biopsie hépatique

La fibrose hépatique doit être systématiquement évaluée, en 1re intention par des tests non inva-sifs (cf. supra item 279).

Une PBH ne se discute que si son résultat influence la prise en charge du patient (ex : recherche de cirrhose avec tests non invasifs ininterprétables).

La PBH permet :

•   une évaluation semi-quantitative de l’activité nécrotico-inflammatoire ;

•   une évaluation semi-quantitative et qualitative de la fibrose ;

•   de rechercher des signes évocateurs d’une pathologie associée (stéatohépatite, hémochro-matose, etc.).

Ces différents éléments sont importants pour évaluer le pronostic qui est lié principalement à la fibrose (évolution possible vers une cirrhose et ses possibles complications).

Attention

On considère que la biopsie, petit échantillon de foie (environ 1/50 000e de l’ensemble du foie) constitue un échantillon représentatif de l’ensemble du foie (= principe du sondage). En réalité, la représentativité de la biopsie est dépendante de sa qualité (taille, largeur, fragmentation éventuelle). La taille de la biopsie doit figurer sur le compte rendu.

L’évaluation semi-quantitative de la fibrose nécessite la réalisation de colorations spéciales telles que le trichrome de Masson ou le rouge Sirius.

Les évaluations semi-quantitatives de l’activité et de la fibrose sont exprimées par des scores his-tologiques, le plus utilisé en France étant le score METAVIR.

Score METAVIR

Ce score a été conçu pour les hépatites chroniques virales C mais s’applique aussi aux hépatites chroniques virales B.

Il est semi-quantitatif et qualitatif (tableau 4.6).

Une fibrose est parfois dite « significative » à partir d’un stade F2, et « avancée » pour les stades F3 et F4.

La fibrose au cours des hépatites virales est à point de départ portal puis s’étend plus ou moins dans le lobule pour former des septa ou des ponts fibreux (figure 4.15). Au maximum, elle réalise une cirrhose :

•    cirrhose : destruction de l’architecture par une fibrose mutilante délimitant des nodules d’hépatocytes (cf. supra item 279) ;

•    pont fibreux : fibrose reliant deux structures vasculaires entre elles (deux espaces portes, ou un espace porte et une veine centrolobulaire, ou deux veines centrolobulaires);

•   septa : travée de fibrose traversant la biopsie (même valeur qu’un pont pour l’établissement d’un score de fibrose histologique)

Points clés

•   Histologiquement, les hépatites sont caractérisées par des lésions de nécrose et d’inflammation du parenchyme hépatique.

•   Le diagnostic d’hépatite aiguë est clinique et biologique : il n’y a en général pas d’indication de la PBH.

•   L’inflammation chronique est caractérisée par l’association de lésions de destruction du parenchyme (= activité nécrotico-inflammatoire de l’hépatite) avec une fibrose cicatricielle, qui s’aggrave au cours du temps et peut aboutir à une cirrhose.

•   Le pronostic des hépatites chroniques est lié principalement au degré de fibrose.

•   Depuis la validation des tests non invasifs d’évaluation de la fibrose et depuis le traitement antiviral direct du virus de l’hépatite C, la PBH est très rarement indiquée en cas d’hépatite virale chronique.