Logo SFP

VII. Tête et cou

CHAPITRE VII – Tête et cou

Plan :

•   Item 298 – Tumeurs de la cavité buccale, nasosinusiennes et du cavum, et des voies aérodigestives supérieures

•   Item 241 – Goitre, nodules thyroïdiens et cancers thyroïdiens

•   Item 90 – Pathologie des glandes salivaires

Item 298 – Tumeurs de la cavité buccale, nasosinusiennes et du cavum, et des voies aérodigestives supérieures

Auteur : Charles Lépine

I.   Rappels anatomiques

II.   Tumeurs malignes

III.   Tumeurs bénignes

Hiérarchisation des connaissances – Tableau 1 

I. Pré-requis

Les voies aérodigestives supérieures (VADS) sont constituées de plusieurs structures anatomiques, elles peuvent toutes être le siège d’un cancer :

•   les fosses nasales, qui sont constituées de deux cavités aériennes débutant au nouveau des orifices narinaires et se terminant en arrière par les choanes ;

•   les sinus, qui sont des cavités remplies d’air creusées dans les os de la face et disposées symétriquement (sinus maxillaires, sinus frontaux, sinus ethmoïdaux et sinus sphénoïdaux). Ils sont en communication avec les fosses nasales ;

•   la cavité buccale comprenant la partie muqueuse des lèvres et des joues, la langue mobile, le plancher, le palais osseux et les gencives. Sa limite postérieure est constituée du V lingual en inférieur, des piliers antérieurs tonsillaires latéralement et de la jonction palais mou et palais dur en supérieur ;

•   le pharynx, constitué de trois étages en continuité :

–   le rhinopharynx (ou cavum ou nasopharynx) en haut derrière les fosses nasales,

–   l’oropharynx au milieu derrière la cavité buccale,

–   l’hypopharynx en bas derrière le larynx ;

•   le larynx, divisé en trois parties :

–   l’étage sus-glottique qui s’étend de la limite supérieure de l’épiglotte jusqu’au ventricule de Morgani,

–   l’étage glottique qui correspond aux cordes vocales,

–   l’étage sous-glottique qui correspond à la zone sous les cordes vocales jusqu’à la trachée.

II. Tumeurs malignes

A. Généralités

La tumeur maligne la plus fréquente des VADS est le carcinome épidermoïde. Les principaux facteurs de risque sont le tabac et l’alcool. Le tableau 24.1 résume les principaux types histologiques des tumeurs malignes des VADS en fonction de leur localisation.

B. Carcinome épidermoïde

Il touche majoritairement les hommes (70 % à 90 % des cas en fonction de la localisation) avec un pic d’incidence entre 50 et 65 ans.

1. Histologie

Le carcinome épidermoïde est une tumeur maligne épithéliale avec une différenciation malpighienne reconnue morphologiquement par la présence de ponts d’union intercellulaires ou de production de kératine (figure. 24.1).

Il existe trois grades de différenciation associés au pronostic : bien/moyennement/peu différencié. Ces grades sont déterminés en fonction de la ressemblance de la tumeur à un épithélium malpighien non tumoral. La production ou l’absence de kératine permet de définir le caractère kératinisant ou non kératinisant du carcinome épidermoïde.

2. Lésions précancéreuses

Le carcinome épidermoïde se développe à partir de lésions précancéreuses. Sous l’influence de divers facteurs, l’épithélium malpighien des VADS accumule des anomalies génétiques conduisant à l’apparition dans un premier temps des lésions précancéreuses, puis du carcinome épidermoïde infiltrant.

Ces lésions précancéreuses ont un aspect macroscopique non spécifique :

•   leucoplasie : plaque blanche ;

•   érythroplasie : plaque rouge.

Le diagnostic de lésion précancéreuse nécessite donc une biopsie avec examen anatomopathologique qui met en évidence une dysplasie épithéliale.

Histologiquement, il s’agit d’une lésion intra-épithéliale (non infiltrante) caractérisée par une organisation anormale des cellules ainsi qu’une morphologie atypique des cellules de l’épithélium (variation de taille et de forme du noyau et de la cellule). On classe les lésions dysplasiques en deux grades (bas grade ou haut grade) en fonction du degré des anomalies histologiques.

3. Papillomavirus humain

Le HPV est retrouvé de plus en plus fréquemment dans les carcinomes épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures, notamment ceux de l’oropharynx. Les HPV à haut risque oncogène sont, entre autres, les génotypes 16, 18, 31 et 33 (comme pour le cancer du col de l’utérus). Les cancers liés à l’infection à HPV sont de meilleur pronostic dans l’oropharynx : bien que les métastases ganglionnaires soient plus fréquentes au diagnostic, ces cancers sont associés à une meilleure réponse à la radiochimiothérapie.

La recherche du virus peut se faire :

•   par PCR sur fragment tumoral frais, congelé ou fixé et inclus en paraffine ;

•   par hybridation in situ avec une sonde à ADN ou ARN sur matériel inclus en paraffine ;

•   indirectement par la mise en évidence d’une surexpression de la protéine p16 en immunohistochimie par les cellules tumorales, qui est en faveur d’une infection par un virus HPV à haut risque. En pratique courante, c’est la technique la plus fréquemment utilisée.

Remarque : p16 est une molécule capable de réguler négativement le cycle cellulaire. Elle est exprimée de façon réactionnelle dans les cellules infectées par un HPV à haut risque dont la protéine oncogénique E7 induit le cycle et la prolifération cellulaire.

C. Adénocarcinome

L’adénocarcinome est le type de tumeur le plus fréquent dans les sinus ethmoïdes. Dans cette localisation, c’est un adénocarcinome de type intestinal. Le plus souvent, il s’agit d’une maladie professionnelle due à l’exposition aux poussières de bois et cuir majoritairement mais également aux pesticides, nickel, solvants et chrome avec un délai de survenue parfois long (> 40 ans).

Le terme « type intestinal » est lié au fait que ces adénocarcinomes ressemblent microscopiquement aux adénocarcinomes colorectaux.

D. Carcinomes nasopharyngés

Ils sont divisés en deux groupes : les carcinomes kératinisants et les carcinomes non kératinisants. Les carcinomes nasopharyngés non kératinisants sont liés au virus d’Epstein-Barr (EBV) dont le génome est intégré dans les cellules tumorales épithéliales. Il s’agit d’un cancer du cavum dont l’incidence est plus élevée chez des sujets d’Asie du Sud-Est, d’Afrique du Nord, en Chine du Sud et chez les Inuits.

En microscopie, les carcinomes non kératinisants sont le plus souvent indifférenciés. On observe des massifs cohésifs de cellules tumorales avec un stroma lymphoïde abondant (figure. 24.2). Le diagnostic peut s’appuyer sur l’immunohistochimie et l’hybridation in situ.

L’immunohistochimie met en évidence des cytokératines dans les cellules tumorales (carcinome). La mise en évidence d’EBV dans les cellules tumorales se fait par immunohistochimie ou par hybridation in situ (plus sensible).

E. Lymphome

Les localisations les plus fréquentes sont le cavum et les tonsilles (amygdales). Les fosses nasales et sinus peuvent également être le siège de lymphome. Il s’agit le plus souvent de lymphome B non hodgkinien.

F. Tumeurs des glandes salivaires

Les glandes salivaires accessoires peuvent se localiser dans la totalité de la sphère ORL, et des tumeurs primitives (malignes dans la majorité des cas, ou bénignes) de type glandes salivaires peuvent s’y développer principalement au niveau de la cavité buccale et de l’oropharynx (cf. item 90).

G. Autres tumeurs malignes

Il s’agit du chondrosarcome du cartilage cricoïde (évolution tumorale lente), des sarcomes des VADS (souvent radios induits), du mélanome muqueux présent quelle que soit la localisation anatomique, y compris dans les sinus.

III. Tumeurs bénignes

Les tumeurs ou lésions pseudo-tumorales bénignes les plus fréquentes en fonction des localisations sont les suivantes :

•   cavités nasosinusiennes, nasopharynx :

–   polype des fosses nasales, fréquent mais non tumoral (remaniements inflammatoires donnant un aspect polypoïde à la muqueuse),

–   papillome nasosinusien.

En particulier le papillome inversé nécessite un suivi particulier car il peut se transformer en carcinome ;

–    angiofibrome du tractus nasosinusien (pas de biopsie, embolisation avant exérèse),

–    hamartomes (masse polypoïde constituée de différents tissus en fonction du type histologique) ;

•    cavité buccale, oropharynx :

–   lésions liées aux HPV : papillome malpighien, condylome acuminé, verrue vulgaire,

–   tumeur bénigne des glandes salivaires (adénome pléomorphe),

–    tumeur à cellules granuleuses (85 % sur la langue),

–    épulis congénital chez le nouveau-né (tumeur exophytique de la gencive de l’arcade dentaire) ;

•   larynx, hypopharynx :

–   polype bénin de la corde vocale, fréquent, non tumoral,

–   papillome malpighien (prolifération d’architecture papillaire bordée d’un épithélium malpighien épaissi. On peut retrouver des lésions de dysplasie au sein des papillomes, certains pouvant évoluer vers un carcinome épidermoïde),

–    chondrome (tumeur bénigne du cartilage), très rare.

Points clés

Les tumeurs malignes sont :

•   dans la majorité des cas : le carcinome épidermoïde. L’émergence du rôle des virus HPV oncogènes est à souligner pour le carcinome épidermoïde de l’oropharynx. Les carcinomes épidermoïdes HPV-induits sont de meilleur pronostic que ceux liés au tabac ;

•   plus rarement :

–   l’adénocarcinome de l’ethmoïde chez un travailleur du bois/cuir,

–   le carcinome nasopharyngé dont certains sont associés à l’EBV (importance de l’origine ethnique),

–   un lymphome de la tonsille (amygdale) ou du rhinopharynx,

–   une tumeur maligne des glandes salivaires.

Item 241 – Goitre, nodules thyroïdiens et cancers thyroïdiens

Auteures : Myriam Decaussin-Petrucci, Geneviève Belleannée

I.   Prérequis : histologie de la glande thyroïdienne

II.   Goitre et autres lésions thyroïdiennes bénignes

III.   Diagnostic d’un nodule thyroïdien

IV.   Cancers de la thyroïde

Hiérarchisation des connaissances – Tableau 2 

I. Prérequis : histologie de la glande thyroïdienne

La glande thyroïde est une glande endocrine. Les vésicules thyroïdiennes sont bordées par des thyréocytes (synonyme : cellules vésiculaires = cellules folliculaires) qui synthétisent de la thyroglobuline, stockée dans la colloïde au centre des vésicules. Au sein du parenchyme thyroïdien, entre les vésicules, on trouve des cellules C (cellules épithéliales neuroendocrines sécrétant de la calcitonine). Les tumeurs neuroendocrines sont un groupe hétérogène de tumeurs qui expriment des marqueurs de différenciation neuroendocrine (ex : synaptophysine, chromogranine A). D’un point de vue embryologique, elles dérivent pour certaines de l’endoderme, et pour d’autres du neuroectoderme. Elles sont observées dans presque tous les tissus, dans les organes endocriniens purs, les structures nerveuses ou dans le système neuroendocrinien dit diffus.

II. Goitre et autres lésions thyroïdiennes bénignes

A. Goitres

« Goitre » est un terme clinique désignant une augmentation du volume de la glande thyroïde. La carence iodée est le principal facteur favorisant. Celle-ci était surtout observée avant l’introduction d’iode dans le sel de table au xxe siècle. Il s’agit d’une pathologie fréquente atteignant plus de 10 % de la population, surtout féminine (fréquence 3 fois supérieure à celle des hommes).

1. Goitre simple ou diffus

Il s’agit d’une hyperplasie diffuse de la glande (augmentation de volume sans lésion nodulaire) chez un patient en euthyroïdie.

2. Goitre nodulaire

Lorsque plusieurs nodules se développent dans la thyroïde, on parle d’hyperplasie hétéromultinodulaire (figure. 25.1).

•    Macroscopie : thyroïde augmentée de volume (goitre), bosselée, avec des nodules plus ou moins nombreux, de taille variable, le plus souvent colloïdes (à contenu gélatineux). Des remaniements hémorragiques ou fibreux avec calcifications sont possibles.

•   Microscopie : vésicules thyroïdiennes de taille très variable, bordées de thyréocytes réguliers, avec remaniements kystiques, œdémateux ou fibreux.

Remarque : Il n’est pas rare de trouver fortuitement des cancers papillaires de moins de 1 cm, sur des pièces opératoires de goitre (5 % des pièces environ). Ces cancers sont d’excellent pronostic et un traitement complémentaire n’est en général pas nécessaire.

B. Maladie de Basedow

Il s’agit d’un goitre diffus, associé à une hyperthyroïdie avec présence d’anticorps antirécepteurs de la TSH.

•    Macroscopie : thyroïde augmentée de volume, brune/rouge et homogène à la coupe (goitre diffus).

•   Microscopie : accentuation de la lobulation et de la vascularisation ; vésicules hyperplasiques, hyperfonctionnelles.

C. Thyroïdites

1. Thyroïdite auto-immune (de Hashimoto)

Elle associe un goitre et la présence d’anticorps antithyroïdiens (anticorps antithyroperoxydase – TPO). Une hypothyroïdie s’installe souvent au cours de l’évolution.

•   Macroscopie : thyroïde ferme, blanchâtre et élastique à la coupe.

•    Microscopie : infiltrat inflammatoire chronique lymphoplasmocytaire plus ou moins important qui s’accompagne d’une atrophie progressive des vésicules et d’une fibrose.

2. Thyroïdite de De Quervain

Il s’agit d’une thyroïdite subaiguë, avec un goitre douloureux, s’accompagnant d’un syndrome inflammatoire biologique.

•    Macroscopie : thyroïde ferme, jaunâtre et élastique à la coupe.

•   Microscopie : destruction du parenchyme thyroïdien avec présence de granulomes.

D. Nodule toxique

C’est un nodule hyperfonctionnel avec hypersécrétion d’hormones thyroïdiennes. Il induit une baisse de la TSH (thyroid stimulating hormone) et apparaît comme « chaud » à la scintigraphie à l’iode (hyperfixation du nodule et extinction du reste du parenchyme).

•    Macroscopie : nodule souvent unique, bien limité, d’aspect plein, beige.

•   Microscopie : nodule vésiculaire sans signe de malignité.

III. Diagnostic d’un nodule thyroïdien

Les nodules thyroïdiens sont fréquents (4 à 5 % de la population), avec une prévalence pouvant atteindre 60 % de la population chez les femmes au-delà de 60 ans si l’on inclut les nodules non palpables, détectés en imagerie. Mais seuls 5 % d’entre eux sont des cancers.

A. Stratégie diagnostique

Elle fait intervenir :

•   le dosage de la TSH ;

•   l’échographie thyroïdienne (score EU-TIRADS : European Thyroid Imaging Reporting and Data System) ;

•   la cytoponction de la lésion (au mieux sous échographie).

B. Cytoponction thyroïdienne

C’est l’examen clé dans l’exploration d’un nodule thyroïdien.

La cytoponction est un examen peu invasif, peu coûteux, qui possède une valeur prédictive forte pour le diagnostic de cancer. La décision de cytoponction dépend des caractéristiques échographiques du nodule (score EU-TIRADS et taille).

La technique comporte :

•   repérage sous échographie, éventuellement palpation ;

•   ponction par aiguille fine (23-27G) ;

•   étalement immédiat sur lame ou transmission du matériel en phase liquide (liquid based cytology).

Les résultats des cytoponctions thyroïdiennes sont codifiés par un système dit système de Bethesda (révisé en 2017) en six catégories, chacune associée à un risque de malignité et à une conduite à tenir recommandée (tableau 25.1).

IV. Cancersde la thyroïde

A. Types histologiques

Environ 5 % des nodules thyroïdiens sont des cancers.

On distingue les cancers (tableau 25.2) :

•   issus des thyréocytes (le type histologique est un adénocarcinome) :

–   carcinome bien différencié (carcinome papillaire, carcinome vésiculaire de la thyroïde, carcinome oncocytaire),

–   carcinome peu différencié,

–   carcinome anaplasique (ou indifférencié) ;

•   issus des cellules C (le type histologique est une tumeur neuroendocrine) : carcinome médullaire de la thyroïde.

1. Carcinome papillaire

•    Cancer thyroïdien le plus fréquent (85-90 % des cancers de la thyroïde).

•   Terrain : tout âge, y compris jeune (4 F/1 H).

•   Diffusion lymphatique régionale sous forme de métastases ganglionnaires cervicales. Les métastases systémiques sont rares.

•    Macroscopie : nodule induré, blanc, non encapsulé avec des calcifications fréquentes (figure. 25.2).

•   Microscopie (figure. 25.3) : le diagnostic repose sur des anomalies nucléaires :

–   noyaux plus gros que ceux des thyréocytes normaux ;

–   noyaux d’aspect en « verre dépoli » ou clarifiés ;

–   incisures nucléaires (en grain de café) ;

–   empilement des noyaux (chevauchements) ;

–   pseudo-inclusions nucléaires.

L’architecture est le plus souvent papillaire mais peut être aussi dépourvue de papille, on parle alors d’architecture vésiculaire. Il est à noter que ce sont les caractéristiques nucléaires qui sont diagnostiques du carcinome papillaire, d’où la grande utilité de la cytoponction pour le diagnostic de ce type de cancer, contrairement au cancer vésiculaire.

2. Carcinome vésiculaire

•    Beaucoup plus rare (environ 5 % des cancers thyroïdiens).

•   Terrain : sujet plus âgé que pour le carcinome papillaire, entre 40 et 60 ans.

•   Diffusion par voie sanguine avec métastases à distance (osseuses et pulmonaires).

•    Macroscopie : nodule avec souvent une capsule épaisse, charnu, plein, beige.

•   Microscopie : tumeur formée de vésicules.

Le diagnostic de malignité repose exclusivement sur la mise en évidence de signes d’invasion :

•   des invasions/franchissements de la capsule ;

•   des emboles tumoraux vasculaires ;

•   ou des formes plus agressives avec invasion massive.

Le diagnostic de malignité se fait donc uniquement sur l’histologie (pièce opératoire) et pas sur les prélèvements cytologiques.

En cytologie, il est donc impossible de différencier un adénome vésiculaire (tumeur vésiculaire bénigne) d’un carcinome vésiculaire (tumeur vésiculaire maligne).

3. Carcinome médullaire

•   Terrain : 25 % dans le cadre de syndromes de prédisposition familiale (néoplasie endocrinienne multiple [NEM] de type 2) liés à diverses mutations activatrices de l’oncogène RET.

•   Diffusion par voie lymphatique et sanguine. Il s’agit d’une tumeur neuroendocrine qui dérive des cellules C.

•   Macroscopie : tumeur localisée à l’union des tiers supérieur et moyen du lobe thyroïdien.

•    Microscopie : cellules tumorales d’aspect neuroendocrine, exprimant les marqueurs neuroendocrines (synaptophysine, chromogranine A), la calcitonine mais pas la thyroglobuline. Elles expriment aussi l’ACE (antigène carcinoembryonnaire). Le stroma est abondant, fibreux avec fréquemment des dépôts de substance amyloïde (contenant de la calcitonine altérée déposée en feuillets).

4. Carcinome anaplasique

•    Touche le sujet âgé.

•   Évolution rapide avec invasion locale (survie relative à 1 an : 15 %).

•   Macroscopie : tumeur très volumineuse, envahissant souvent les tissus adjacents. Les remaniements nécrotiques sont fréquents.

•    Microscopie : cellules indifférenciées, fusiformes. Les atypies nucléaires sont majeures (noyaux très irréguliers, monstrueux, etc.). Ces tumeurs sont tellement indifférenciées que la positivité en immunohistochimie des marqueurs épithéliaux est inconstante.

Le compte rendu anatomopathologique de la pièce opératoire d’un cancer de la thyroïde doit préciser les donnes minimales suivantes (recommandations INCa 2011) :

•   type de prélèvement ;

•   localisation de la tumeur dans l’organe ;

•   type histologique (classification OMS en vigueur) ;

•   taille de la tumeur ;

•   emboles vasculaires tumoraux présents (oui/non) ;

•   invasion capsulaire si tumeur encapsulée ;

•   multifocalité (oui/non) ;

•   envahissement du tissu périthyroïdien ;

•   marge chirurgicale/caractère complet de l’exérèse ;

•   nombre de ganglions régionaux envahis ;

•   stadification (pTNM en vigueur en précisant l’année d’édition).

B. Traitement

Le traitement d’un cancer de la thyroïde différencié est principalement chirurgical, parfois complété pour les tumeurs dérivant des thyréocytes, par une irathérapie (à l’iode 131 radioactif).

Points clés

•   L’exploration d’un nodule thyroïdien avec TSH normale repose sur une cytoponction, décidée en fonction de la taille et des critères échographiques du nodule (score EU-TIRADS).

•   Les résultats d’une cytologie thyroïdienne sont codifiés selon le système de Bethesda en 6 catégories, chacune étant associée à un risque de malignité et à une conduite à tenir recommandée.

•   Les cancers de la thyroïde sont :

–   les cancers thyroïdiens d’origine vésiculaire : carcinome papillaire (le plus fréquent), carcinome vésiculaire, carcinome oncocytaire, carcinome peu différencié, carcinome anaplasique ;

–   le cancer thyroïdien des cellules C neuroendocrines : carcinome médullaire de la thyroïde.

Item 90 – Pathologie des glandes salivaires

Auteur : Charles Lépine

I.   Prérequis

II.   Pathologie tumorale des glandes salivaires

III.   Place de l’anatomie pathologique dans la prise en charge d’une tuméfaction d’une glande salivaire

Hiérarchisation des connaissances – Tableau 3 

I. Prérequis

Les glandes salivaires principales sont paires : parotides (traversées par le nerf facial et drainées par le conduit parotidien – anciennement canal de Sténon), sublinguales et sous-mandibulaires (drainées par le conduit submandibulaire, anciennement canal de Wharton). Les glandes salivaires accessoires ne sont pas individualisées en organe et sont éparpillées sur l’ensemble de la muqueuse buccale. Elles comprennent également un parenchyme salivaire et des canaux excréteurs.

II. Pathologie tumorale des glandes salivaires

A. Généralités

Toutes localisations confondues, les tumeurs sont bénignes dans 67 % des cas et malignes dans 33 % des cas (tableau 26.1). Les carcinomes salivaires ne correspondent qu’à 3 à 5 % des tumeurs de la tête et du cou, avec une incidence inférieure à 1/100 000 individus.

B. Tumeurs bénignes

Les deux tumeurs bénignes les plus fréquentes sont l’adénome pléomorphe et la tumeur de Warthin.

1. Adénome pléomorphe

Il représente 50 à 70 % des tumeurs bénignes des glandes salivaires.

•    Macroscopie : encapsulé, polylobé, blanchâtre, de consistance hétérogène (dure à gélatineuse).

•   Microscopie : double contingent cellulaire (cellules épithéliales et cellules myoépithéliales) et stroma myxoïde (lâche, rempli de mucopolysaccharides) ou chondroïde (ressemblant à du cartilage) (figure. 26.1).

•   Évolution :

–   récidive (surtout en cas d’exérèse incomplète ou fragmentée) ;

–   transformation carcinomateuse possible (environ 5 %) souvent après une longue évolution : la chirurgie est donc recommandée si l’état général du patient le permet.

2. Tumeur de Warthin

•    Localisation quasi uniquement parotidienne.

•   Terrain tabagique.

•   Bilatérale dans 10 à 15 % des cas (figure. 26.2).

•    Macroscopie : formation kystique molle avec contenu liquide « chocolat ».

•   Microscopie : papilles intrakystiques bordées par une double assise cellulaire oncocytaire (cellules éosinophiles + cellules basales) + stroma lymphoïde très abondant (cf. figure. 26.2).

•   Transformation maligne exceptionnelle : surveillance simple.

C. Tumeurs malignes

1. Tumeurs malignes épithéliales

Les trois principaux types par ordre de fréquence sont les carcinomes mucoépidermoïdes, les carcinomes adénoïdes kystiques, et les carcinomes à cellules acineuses. Carcinome mucoépidermoïde C’est la plus fréquente des tumeurs malignes (figure. 26.3).

Elle peut se développer à tous les âges (tumeur maligne la plus fréquente chez l’enfant).

•    Macroscopie : tumeur bien limitée le plus souvent solide et kystique.

•   Microscopie : trois contingents cellulaires (cellules mucosécrétantes, cellules épidermoïdes, cellules intermédiaires).

Le pronostic est hétérogène selon le grade de malignité (bas/intermédiaire/haut) : la survie est de 95 et 40 % à 5 ans pour les tumeurs de bas et haut grade respectivement.

Les métastases ganglionnaires et viscérales sont rares.

Carcinome adénoïde kystique

•    Moyenne d’âge : 60 ans.

•   Localisation fréquente dans la glande parotide, la glande sous-mandibulaire et les glandes salivaires accessoires (figure. 26.4).

•   Tumeur maligne la plus fréquente des glandes salivaires accessoires.

•    Tumeur douloureuse.

•    Macroscopie : mal limitée, très infiltrante localement, absence de capsule.

•   Microscopie : trois architectures possibles (tubulaire, cribriforme, massive). En cas de contingent massif > 30 % : pronostic péjoratif.

•   Tumeur neurotrope avec de nombreux engainements périnerveux.

•   Emboles tumoraux vasculaires fréquents.

•   Métastases viscérales non rares.

•   Récidives fréquentes.

Carcinome à cellules acineuses

•    Possible à tous les âges.

•   Localisation principalement parotidienne.

•    Macroscopie : tumeur bien limitée le plus souvent.

•   Microscopie : plages de cellules de grande taille peu atypiques au cytoplasme granuleux positif à la coloration par le PAS.

•   Très bon pronostic (survie de 89 % à 5 ans).

Métastases

Des ganglions lymphatiques intraparotidiens peuvent être le site métastatique de carcinomes (principalement des carcinomes épidermoïdes cutanés) ou de mélanomes.

2. Tumeurs malignes non épithéliales

Il existe de très rares lymphomes dans les glandes salivaires. On distingue deux cadres :

•   la localisation d’un lymphome « systémique » avec atteinte d’un ganglion secondaire intraparotidienne (lymphome folliculaire, etc.) ;

•   le développement d’un lymphome intraparotidien de type lymphome B du MALT sur des lésions inflammatoires chroniques de sialadénite (maladie de système).

III. Place de l’anatomie pathologique dans la prise en charge d’une tuméfaction d’une glande salivaire

L’anatomie pathologique n’intervient qu’en cas de tumeur, et parfois en cas de maladie de système (figure. 26.5).

A. Augmentation de volume unilatérale, non inflammatoire (tumeur ?)

•    Tumeur : le plus souvent unilatérale (sauf tumeur de Warthin), évolution lente.

•    Séquence devant une suspicion de tumeur : examen clinique → IRM → cytoponction (± échoguidage). En fonction de la tumeur suspectée, de l’âge, du stade, etc. : chirurgie → examen extemporané → diagnostic pathologique définitif.

•    Signes de malignité devant une masse des glandes salivaires : douleur (inconstante), non mobile, paralysie du nerf facial, ganglion cervical palpable.

1. Cytoponction à l’aiguille

Attention !

•    Jamais de biopsie chirurgicale d’une lésion tumorale parotidienne (risque de traumatisme du nerf facial et d’essaimage des cellules tumorales).

•   Jamais de biopsie à l’aiguille dans la sphère ORL (proximité des structures vasculaires et osseuses).

La cytoponction de la lésion est réalisée à l’aiguille fine sous repérage échographique ; c’est un examen peu invasif, relativement sensible pour dépister le caractère malin de la lésion.

Il peut permettre certains diagnostics de lésions bénignes, évitant une chirurgie (tumeur de Warthin chez une personne âgée ou fragile, etc.).

2. Parotidectomie exploratrice avec examen extemporané

Devant une suspicion de tumeur, on procède à une exploration chirurgicale avec monitoring peropératoire du nerf facial. Un examen extemporané peut être réalisé pour guider le geste thérapeutique. L’examen de la pièce opératoire après inclusion en paraffine apporte le diagnostic de certitude.

B. Augmentation de volume bilatérale, non inflammatoire (maladie de système ?)

Maladies de système

Sarcoïdose (syndrome de Heerfordt), lupus, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Gougerot-Sjögren, etc.

Faire une biopsie des glandes salivaires accessoires labiales à la recherche de :

•   granulome épithélioïde en faveur d’une sarcoïdose ;

•   dépôts de substance amyloïde en faveur d’une amylose (coloration de rouge Congo) ;

•   sialadénite chronique lymphocytaire en faveur d’un syndrome de Gougerot-Sjögren (grading de l’infiltrat inflammatoire par le score de Chisholm et Mason : grades 1 à 4 ; forte suspicion si grade 3 ou 4).

Le score de Chisholm et Mason se décompose ainsi :

•   grade 1 : discret infiltrat inflammatoire ;

•   grade 2 : infiltrat modéré ou inférieur à 1 focus ;

•   grade 3 : 1 focus (> 50 lymphocytes)/4 mm2 ;

•   grade 4 : > 2 foci/4 mm2.

On utilise aussi le focus score, qui correspond au nombre de foyers par 4 mm2 de tissu glandulaire, un foyer étant défini par l’agglomérat d’au moins 50 cellules mononucléées. Un focus score supérieur ou égal à 1 correspond à un grade supérieur ou égal à 3 de Chisholm.

Le syndrome de Gougerot-Sjögren (SGS) est une affection inflammatoire chronique caractérisée par une sécheresse oculaire et buccale (syndrome sec). Le SGS est une maladie systémique, auto-immune, pouvant être primitive (isolée) ou secondaire (associée à une affection systémique : polyarthrite rhumatoïde, sclérodermie, polymyosite, etc.). Sur le plan histopathologique, le SGS est caractérisé par la présence localisée d’amas lymphoplasmocytaire (foci) au sein des glandes salivaires.

Points clés

•   La pathologie tumorale des glandes salivaires se décompose en deux tiers de tumeurs bénignes et un tiers de tumeurs malignes :

–   tumeurs bénignes : adénome pléomorphe > tumeur de Warthin > autres ;

–   tumeurs malignes : carcinome mucoépidermoïde > carcinome adénoïde kystique > autres.

•   Les tumeurs sont le plus souvent unilatérales (sauf tumeur de Warthin), d’évolution lente.

•   Devant une masse des glandes salivaires, les signes de malignité sont les suivants : douleur (inconstante), non mobile, paralysie du nerf facial, ganglion cervical palpable.

•   La parotide est le siège de 65 % des tumeurs des glandes salivaires dont 75-80 % sont bénignes.

•   La séquence devant une suspicion de tumeur comporte :

–   examen clinique → IRM → cytoponction sous échographie ;

–   jamais de biopsie ;

–   en fonction de la tumeur suspectée, de l’âge, du stade, etc. : chirurgie → examen extemporané → diagnostic pathologique définitif après inclusion en paraffine.

•   En cas de suspicion de syndrome de Gougerot-Sjögren, une biopsie des glandes salivaires accessoires est réalisée et le score de Chisholm et Masson utilisé.