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III. Pathologie gynécologique

CHAPITRE III – Pathologie gynécologique 

Plan :

•   Item 300 – Tumeurs du col utérin, tumeur du corps utérin

•   Item 306 – Tumeurs de l’ovaire

•   Item 312 – Tumeurs du sein

Item 300 – Tumeurs du col utérin, tumeur du corps utérin

Auteur : Pierre-Alexandre Just

I.   Tumeurs du col utérin

II.   Tumeurs de l’endomètre

Hiérarchisation des connaissances – Tableau 1 

I. Tumeurs du col utérin

A. Prérequis : histologie du col utérin

Le col utérin comporte deux parties :

•   l’exocol fait protrusion dans le vagin et est revêtu par un épithélium malpighien non kératinisé (à l’état normal), en continuité avec l’épithélium malpighien recouvrant la cavité vaginale. Cet épithélium malpighien comporte une couche de cellules basales, qui prolifèrent de façon contrôlée pour assurer le renouvellement de l’épithélium. Elles maturent dans les couches plus superficielles qui sont dénommées « couches épineuses ». Il n’y a pas, à l’état normal, de couche granuleuse ni de couche cornée dans le revêtement malpighien exocervical car il s’agit d’un épithélium malpighien non kératinisé. ;

•   l’endocol constitue le canal endocervical, mettant en communication la cavité vaginale avec la cavité utérine (endométriale). Il est revêtu par un épithélium unistratifié mucosécrétant. Des glandes revêtues par le même type d’épithélium sont présentes sous le revêtement de surface.

Les épithéliums de l’endocol et de l’exocol s’affrontent le long de la zone de jonction pavimento-cylindrique (Figure. 7.1). Elle est le siège préférentiel des infections par HPV (human papillomavirus) qui peuvent conduire à des tumeurs du col utérin. La zone de jonction pavimento-cylindrique est généralement située à hauteur de l’orifice externe du col (ostium). Chez certaines patientes, la zone de jonction pavimento-cylindrique peut être située sur l’exocol (ectropion) ou plus haut dans l’endocol (entropion).

B. Histoire naturelle de l’infection par HPV et carcinogenèse malpighienne multi-étapes

Le virus HPV est de loin le principal facteur de risque, impliqué dans plus de 95 % des cas de cancers du col utérin. Il existe de nombreux types différents. Parmi ceux capables d’infecter le tractus génital, les types 16 et 18 sont les plus fréquemment associés à l’apparition de cancers. L’infection génitale par HPV est très fréquente (> 90 % des hommes et des femmes au cours de leur vie). La primo-infection par HPV est habituellement asymptomatique et de guérison spontanée. Dans environ 10 % des cas, l’infection peut devenir latente, ou persister : c’est cette persistance de l’infection de la muqueuse cervicale par un HPV oncogène qui est une condition nécessaire au développement de la majorité des lésions précancéreuses et des cancers du col utérin.

Le virus HPV infecte préférentiellement les cellules basales de l’épithélium malpighien exocervical : l’accès à ces cellules basales est facilité en regard de la zone de jonction pavimento-cylindrique ou, dans une moindre mesure, par des microtraumatismes sur la muqueuse exocervicale.

L’infection par HPV peut s’accompagner d’une lésion histologique, appelée lésion malpighienne intra-épithéliale (équivalent de « dysplasie ») de bas grade (LIEBG). Dans cette lésion, on observe des koïlocytes qui sont des cellules malpighiennes dont la morphologie est modifiée par l’infection à HPV (virus proliférant et induisant un effet cytopathogène).

Les caractéristiques morphologiques des koïlocytes sont les suivantes : augmentation de la taille du noyau, chromatine hétérogène, contours nucléaires irréguliers, halo clair périnucléaire, noyaux doubles, etc. Les cellules basales de l’épithélium malpighien prolifèrent peu et la maturation de l’épithélium malpighien exocervical est globalement conservée.

Les lésions malpighiennes intra-épithéliales de bas grade guérissent le plus souvent spontanément. Elles peuvent cependant persister ou évoluer vers une lésion intraépithéliale de haut grade (20 % des cas). La lésion malpighienne intra-épithéliale (équivalent de « dysplasie ») de haut grade (LIEHG) est considérée comme une lésion précancéreuse à fort risque de transformation carcinomateuse.

À ce stade, l’ADN viral est habituellement intégré dans le génome de la cellule malpighienne. Le virus se réplique peu mais les cellules infectées prolifèrent. Histologiquement, on observe un net épaississement du compartiment des cellules basales, qui vont progressivement occuper toute la hauteur de l’épithélium malpighien. Ces cellules proliférant, on observe des mitoses ascensionnées (alors qu’elles sont cantonnées à la couche basale à l’état normal) et la maturation en superficie s’amoindrit, voire disparaît complètement (Figure. 7.2).

Ces LIEHG guérissent rarement spontanément et évoluent généralement, si non traitées, vers un carcinome épidermoïde infiltrant, qui est une lésion maligne, capable de donner des métastases. Dans le carcinome épidermoïde infiltrant, la membrane basale soutenant l’épithélium malpighien est franchie par les cellules tumorales, qui vont infiltrer le chorion (Figure. 7.3). Dès que la membrane basale est franchie, des emboles carcinomateux dans les vaisseaux lymphatiques et sanguins peuvent être présents, et donner lieu à des métastases ganglionnaires lymphatiques ou viscérales.

L’extension en profondeur peut se faire jusqu’aux organes de voisinage (paramètres, vessie et rectum) et peut s’accompagner d’une dilatation des cavités pyélocalicielles. L’ensemble de ces étapes conduisant au cancer (= carcinome épidermoïde infiltrant) constitue la carcinogenèse malpighienne multi-étapes HPV-induite du col utérin. Cette séquence d’événements se produit en moyenne sur une dizaine d’années et touche très préférentiellement la zone de jonction pavimento-cylindrique.

À part HPV et ses facteurs de risque d’infection, d’autres facteurs de risque interviennent :

•   le tabagisme ;

•   l’immunodépression (notamment celle liée à une infection par VIH – virus de l’immunodéficience humaine) ;

•   le contexte socio-économique défavorisé.

C. Modalités du dépistage

Compte tenu de la forte prévalence de l’infection HPV dans les cancers du col utérin d’une part, et de l’existence de lésions précancéreuses histologiques bien identifiées (LIEBG, et surtout, LIEHG) d’autre part, le dépistage de ces lésions précancéreuses est actuellement proposé de façon organisée en France depuis 2019, pour les femmes de 25 à 65 ans. Ce dépistage régulier permettrait de diminuer l’incidence du cancer du col d’environ 90 %. Ce dépistage repose sur des méthodes cytologiques (FCU avec analyse cytologique au microscope par un anatomopathologiste) et virologiques (détection de l’ADN des virus HPV à haut risque [test HPV-HR] par biologie moléculaire).

Les modalités du dépistage sont détaillées dans les recommandations de l’HAS (Haute autorité de santé) de 2019.

•   Entre 25 et 29 ans, le dépistage est cytologique : tous les 3 ans après deux frottis normaux réalisés à 1 an d’intervalle.

•   Entre 30 et 65 ans, le dépistage est virologique : test virologique 3 ans après le dernier examen cytologique normal ou dès 30 ans en l’absence de cytologie, puis tous les 5 ans.

Pour être informatif, le prélèvement cervico-utérin doit intéresser la zone de jonction pavimento-cylindrique, siège de la plupart des lésions précancéreuses. Il est recommandé d’utiliser la méthode « en milieu liquide ». Le prélèvement est recueilli dans un liquide, et est adapté à la fois pour un examen cytologique et pour un examen virologique. Concernant l’examen cytologique, les frottis informatifs comportent à la fois des cellules glandulaires endocervicales et des cellules malpighiennes endocervicales, montrant que le prélèvement a effectivement intéressé la zone de jonction pavimento-cylindrique (frottis satisfaisant pour interprétation) (Figure. 7.4).

La terminologie utilisée dans les comptes rendus est celle du système de Bethesda 2014 (Encadré 7.1).

En fonction des résultats du FCU, différentes prises en charge sont proposées (Figure. 7.5), suivant les recommandations de l’HAS. Par exemple, en cas de frottis LIEBG (Figure. 7.6) ou LIEHG (Figure. 7.7), il est recommandé la réalisation d’une colposcopie avec biopsies (pour examen histologique) si des anomalies sont visibles.

Des biopsies réalisées sous colposcopie permettent de confirmer (ou d’infirmer) histologiquement les anomalies qui étaient visibles sur le frottis, une confirmation histologique étant indispensable pour la prise en charge des lésions du col utérin (les anomalies cytologiques vues au FCU n’ayant qu’un intérêt pour le dépistage).

Attention ! Si la patiente est symptomatique (ex : saignements post-coïtaux, col induré à l’examen clinique), la notion de dépistage ne s’applique pas ! On rentre alors dans le cadre du diagnostic positif d’une éventuelle lésion du col utérin et la prise en charge diagnostique est différente : consultation de gynécologie et biopsies ciblées.

D. Carcinogenèse glandulaire

À part la carcinogenèse malpighienne, aboutissant au carcinome épidermoïde infiltrant, il existe également dans le col une carcinogenèse glandulaire, aboutissant à l’adénocarcinome infiltrant (Figure. 7.8).

Comme pour les tumeurs malpighiennes, les virus HPV à haut risque sont largement impliqués dans la survenue de tumeurs glandulaires.

Cependant, la part des adénocarcinomes endocervicaux qui sont liés à HPV est moindre que pour les carcinomes épidermoïdes utérins ; environ 20 % des adénocarcinomes endocervicaux suivent une voie de carcinogenèse HPV-indépendante (il s’agit de sous-types particuliers d’adénocarcinome). La carcinogenèse multi-étapes des lésions tumorales glandulaires de l’endocol est moins bien connue que celle des lésions malpighiennes.

Un précurseur de l’adénocarcinome infiltrant est cependant bien identifié ; il s’agit de l’adénocarcinome in situ.

Dans l’adénocarcinome in situ, le revêtement épithélial glandulaire normal des glandes endocervicales est remplacé par un épithélium glandulaire tumoral, sans infiltration.

E. Autres tumeurs

À part les adénocarcinomes et les carcinomes épidermoïdes, il existe d’autres types histologiques de tumeurs malignes du col utérin, mais beaucoup plus rarement observés : tumeurs et carcinomes neuroendocrines, tumeurs mésenchymateuses (rhabdomyosarcome, léiomyosarcome, etc.), tumeurs mixtes épithéliales et mésenchymateuses (adénosarcome, etc.), lymphome, métastases, etc.

F. Facteurs histopronostiques

Mis à part quelques sous-types histologiques associés à un pronostic favorable ou, à l’inverse, défavorable, les deux principaux éléments anatomopathologiques importants pour l’appréciation du pronostic, et de la prise en charge thérapeutique, sont :

•   le stade pTNM (évalué sur pièce d’hystérectomie), calqué sur le score FIGO (Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique) ;

•   la présence d’emboles lymphatiques carcinomateux.

Dans les stades précoces, le stade TNM/FIGO prend en compte la mesure de la profondeur d’infiltration du chorion cervical. Pour les stades plus avancés, le stade TNM/FIGO prend en compte l’extension aux organes de voisinage (paramètres, vessie, rectum) et la présence de métastases ganglionnaires lymphatiques dans les ganglions lymphatiques.

II. Tumeurs de l’endomètre

A. Prérequis : histologie de l’endomètre

Le corps utérin comporte, de dedans en dehors (Figure. 7.9) :

•   une cavité centrale, appelée cavité utérine ou cavité endométriale, revêtue d’une muqueuse appelée endomètre ;

•   une épaisse couche de tissu musculaire lisse, appelée myomètre ;

•   une séreuse, en continuité avec le mésothélium du péritoine pelvien.

L’endomètre est une muqueuse comportant (Figure 7.10) :

•   un revêtement endométrial de surface, bordant la cavité utérine ;

•   des glandes épithéliales ;

•   un chorion, appelé chorion cytogène.

De la puberté à la ménopause, l’endomètre connaît des modifications cycliques de son aspect histologique, en lien avec le cycle menstruel et les sécrétions hormonales d’origine ovarienne.

Après les règles (le début des règles définissant le J1 du cycle menstruel), l’endomètre, sous l’action des œstrogènes, prolifère (à la fois les glandes endométriales et le chorion cytogène) : c’est la phase proliférative, qui reconstitue l’endomètre après son élimination par les règles. L’ovulation (classiquement à J14) correspond au début de la phase sécrétoire : sous l’action combinée des œstrogènes et de la progestérone, les glandes endométriales et le chorion cytogène maturent afin de constituer un milieu favorable à l’implantation d’un ovule fécondé. À la fin de la phase sécrétoire, l’arrêt de la production ovarienne d’hormones conduit aux règles, c’est-à-dire à l’élimination de presque toute l’épaisseur de l’endomètre (sauf la couche basale – basalis – qui permet la régénération de la muqueuse endométriale au cycle suivant).

B. Facteurs de risque

Les tumeurs malignes endométriales les plus fréquentes sont les adénocarcinomes, c’est-à-dire des tumeurs épithéliales glandulaires malignes. Pour le carcinome endométrioïde, type histologique d’adénocarcinome le plus fréquent, les facteurs de risque sont bien identifiés. La plupart de ces facteurs de risque conduisent à un excès de production d’œstrogènes (hormones favorisant la prolifération des cellules endométriales) par rapport à celle de progestérone (hormone freinant la prolifération des cellules endométriales).

Ces facteurs de risque d’hyperœstrogénie relative incluent :

•   une puberté précoce ;

•   une ménopause tardive ;

•   la pauciparité ;

•   le syndrome des ovaires polykystiques ;

•   un traitement hormonal de la ménopause par œstrogènes seuls ;

•   un traitement par tamoxifène (dans le cadre d’un cancer du sein).

Par ailleurs, le tissu adipeux joue un rôle important dans le métabolisme des hormones sexuelles féminines. Ainsi, constituent également des facteurs de risque importants :

•   l’obésité, notamment androïde ;

•   l’hypertension artérielle ;

•   le diabète de type 2.

Ces derniers facteurs sont de plus en plus observés compte tenu de l’évolution des habitudes de vie en France, pour le développement d’un carcinome endométrial. Ils conduisent également à un état d’hyperœstrogénie relative. Enfin, le syndrome de Lynch est également un facteur de risque important.

Environ 3 à 5 % des carcinomes de l’endomètre surviennent dans le cadre d’un syndrome de Lynch. Pour une patiente porteuse d’un syndrome de Lynch, le risque cumulé de développer un carcinome endométrial se situe entre 40 et 70 % à l’âge de 70 ans. Ainsi, l’évaluation du statut MMR doit être faite par immunohistochimie pour tout cancer de l’endomètre.

À l’inverse, la multiparité, la contraception par œstroprogestatifs ou par progestatifs seuls, la puberté tardive, etc. seraient des facteurs protecteurs.

C. Principaux types histologiques des carcinomes endométriaux

L’adénocarcinome endométrioïde est de loin le type histologique le plus fréquent des tumeurs épithéliales malignes de l’endomètre (= carcinomes) ; ce type histologique représente 80 % des carcinomes endométriaux. Cette tumeur survient habituellement autour de la ménopause et c’est elle qui est le plus associée aux facteurs de risque détaillés dans le paragraphe précédent.

Au microscope, les adénocarcinomes endométrioïdes présentent une certaine parenté morphologique avec l’endomètre normal : cellules cylindriques avec noyau allongé, architecture essentiellement glandulaire. La métaplasie malpighienne et/ou mucineuse est caractéristique mais pas toujours présente (Figure. 7.11). Le pronostic est dans l’ensemble bon.

L’adénocarcinome séreux est plus rare et survient chez des patientes plus âgées. L’association statistique avec les facteurs de risque conduisant à une hyperœstrogénie relative est moindre, voire nulle. Le pronostic est mauvais dans l’ensemble.

Au microscope, ces tumeurs sont souvent d’architecture papillaire ou micropapillaire, avec des atypies cytonucléaires marquées (Figure. 7.12). Une extension péritonéale est fréquente au diagnostic, même pour des tumeurs n’infiltrant que peu le myomètre.

Les autres types de cancers de l’endomètre sont plus rares : carcinome à cellules claires et carcinosarcome.

Le carcinosarcome, tumeur d’origine épithéliale avec composante dédifférenciée « sarcomatoïde », se présente classiquement sous la forme d’une masse polypoïde intracavitaire chez une patiente âgée.

Il existe une classification distinguant les carcinomes de type I (adénocarcinome endométrioïde de bas grade) et de type II (carcinome séreux, carcinome à cellules claires et carcinosarcome).

D. Carcinogenèse multi-étapes du carcinome endométrioïde

L’état d’hyperœstrogénie relative constitue un état précancéreux favorisant le développement de certaines lésions précancéreuses. En effet, l’action proliférative cumulée des œstrogènes induit une prolifération des glandes endométriales qui n’est que peu contrebalancée par l’action de la progestérone. Ceci amène à une hyperplasie de l’endomètre. Dans certaines des glandes hyperplasiques, des anomalies moléculaires surviennent, associées à des modifications de l’aspect des cellules glandulaires endométriales ; il s’agit de l’hyperplasie endométriale atypique (lésion précancéreuse, synonyme de dysplasie). Cette dernière peut évoluer vers un carcinome endométrioïde infiltrant (cancer). L’histogenèse des autres types histologiques est beaucoup moins bien connue.

E. Facteurs histopronostiques

Il existe plusieurs facteurs histologiques d’impact pronostique :

•   le type histologique. À stade égal, les carcinomes endométrioïdes ont un meilleur pronostic que les carcinomes séreux ;

•   le stade pTNM (évalué sur pièce d’hystérectomie), sur lequel est calqué celui de la FIGO :

–   pour les stades précoces, l’appréciation de la profondeur d’infiltration du myomètre (< ou > 50 % de l’épaisseur du myomètre) est cruciale,

–   pour les stades plus avancés, l’atteinte du col utérin et des ganglions lymphatiques pelviens ou lomboaortiques est importante à apprécier.

Pour les carcinomes endométrioïdes, se surajoutent d’autres facteurs histopronostiques :

•   le grade tumoral (apprécié par le pourcentage de la surface tumorale occupée par des zones solides – et non glandulaires) ;

•   la présence d’emboles lymphatiques carcinomateux en nombre significatif ;

•   la présence des certaines anomalies génétiques : à stade égal, les mutations du gène POLE sont associées à un meilleur pronostic et les mutations du gène TP53 sont associées à un moins bon pronostic.

Points clés

•   Les tumeurs malignes endométriales les plus fréquentes sont les adénocarcinomes, surtout les adénocarcinomes de type endométrioïde (80 % des cas).

•   Il existe une classification distinguant les carcinomes de type I (adénocarcinome endométrioïde de bas grade) et de type II (carcinome séreux, carcinome à cellules claires et carcinosarcome).

•   Environ 3 à 5 % des carcinomes de l’endomètre surviennent dans le cadre d’un syndrome de Lynch.

Item 306 Tumeurs de l’ovaire

Auteur : Pierre-Alexandre Just

I.   Prérequis : rappels histologiques

II.   Principales familles des tumeurs de l’ovaire

III.   Principales tumeurs épithéliales de l’ovaire

IV.   Histogenèse des tumeurs épithéliales de l’ovaire

V.   Cancer de l’ovaire : épidémiologie, modes d’extension, facteurs de risque et génétique

VI.   Dialogue entre chirurgien et anatomopathologiste devant une tumeur ovarienne

VII.   Le problème des métastases

Hiérarchisation des connaissances Tableau 2 

I. Prérequis : rappels histologiques

Les ovaires (Figure. 8.1) sont des organes assurant :

•   la sécrétion des œstrogènes et de la progestérone, et dans une moindre mesure de la testostérone ;

•   la maturation des gamètes.

Ils sont recouverts par le revêtement mésothélial péritonéal, appelé alors le revêtement cœlomique. La partie externe est appelée cortex ; elle comporte, au sein du stroma ovarien, les follicules. À partir des ménarches (premières règles), les follicules (jusqu’alors au stade primordial) maturent, pour partie, à chaque cycle menstruel. Ils évoluent vers les stades primaire, secondaire, tertiaire, jusqu’au follicule antral dit « follicule de de Graff ». L’évolution des follicules s’accompagne par le développement en surface des cellules qui les entourent : les cellules de la granulosa (cellules appartenant au groupe des cordons sexuels). Ces cellules sécrètent des œstrogènes en première partie du cycle menstruel, assurant la prolifération de l’endomètre. Autour des cellules de la granulosa, il existe des cellules spécialisées du stroma ovarien (thèque interne et thèque externe) qui accompagnent également le développement folliculaire. Lors de l’ovulation, survenant habituellement à J14, le follicule de Graff se rompt à la surface ovarienne, avec expulsion de l’ovocyte (qui est capté par la trompe), déclenchant la deuxième partie du cycle menstruel. Les cellules de la granulosa et de la thèque interne se transforment pour devenir de très grande taille, emplies de lutéine (substance stéroïde de couleur jaune, base de la synthèse des hormones stéroïdiennes). La sécrétion de progestérone par les cellules folliculaires débute, assurant la maturation (et non la prolifération) des cellules endométriales. C’est le stade du corps jaune. En l’absence d’implantation utérine d’un ovocyte fécondé, le corps jaune régresse pour donner naissance à une cicatrice fibreuse : le corps blanc. Le cycle ovarien et menstruel reprend alors, par définition à partir du 1er jour des règles, déclenchées par la chute de la sécrétion des hormones ovariennes (œstrogènes et progestérone).

II. Principales familles des tumeurs de l’ovaire

On distingue en pratique :

•   les tumeurs dites « fonctionnelles » ;

•   les tumeurs dites « organiques ».

Les tumeurs « fonctionnelles » (Figure. 8.2) sont des lésions kystiques formées à partir des follicules ovariens : kyste folliculaire, corps jaune kystique, etc. Il ne s’agit donc pas d’un véritable processus tumoral qui se définit comme une prolifération cellulaire anormale échappant aux mécanismes de régulation. Le plus souvent, les tumeurs fonctionnelles s’observent chez la patiente en âge de procréer et disparaissent spontanément lors d’un contrôle échographique. Les tumeurs « organiques » regroupent un très grand nombre d’entités (Tableau 8.1). Macroscopiquement, elles peuvent être kystiques (uni ou multikystiques), solides, ou à la fois kystiques et solides. Dans certaines formes, il peut exister des végétations à l’intérieur des kystes (végétations internes) ou à la surface de l’ovaire (végétations externes).

Les tumeurs « organiques » sont classées en trois grandes familles :

•   les tumeurs germinales. Elles dérivent de l’ovocyte. Elles sont plus fréquentes chez la patiente jeune et les enfants. Il existe des formes bénignes et malignes. Les formes bénignes sont de loin les plus fréquentes, représentées par les tératomes matures (Figure. 8.3) dont fait partie le kyste dermoïde. Cette tumeur est capable de reproduire tous les tissus de l’organisme humain, issus des trois feuillets embryonnaires, sous une forme mature, c’est-à-dire comparable aux tissus observés chez l’adulte.

Les tissus cutané, bronchique et cérébral sont les plus fréquemment observés, mais il existe parfois du tissu thyroïdien, rétinien, entérique, cérébelleux, osseux, cartilagineux, dentaire, etc. Au sens strict, le terme de kyste dermoïde doit être réservé à un tératome qui ne reproduit que du tissu neuroectodermique mature. Les formes malignes des tumeurs germinales sont beaucoup plus rares : citons le tératome immature (où les tissus observés ont une morphologie de type embryonnaire), le dysgerminome (équivalent chez la femme du séminome testiculaire), la tumeur vitelline (dont l’aspect rappelle plus ou moins le sac vitellin) et le tératome cancérisé (tumeur de type adulte se développant à partir d’un des tissus d’un tératome mature, par exemple : un carcinome épidermoïde développé à partir du tissu cutané présent dans un tératome mature) ;

•    les tumeurs du stroma ovarien et des cordons sexuels. Elles dérivent des cellules folliculaires (cellules de la granulosa, cellules de la thèque) et/ou des cellules du stroma ovarien.

Elles sont le plus souvent solides et surviennent pour la plupart autour ou après la ménopause. Certaines s’accompagnent d’une sécrétion d’hormones sexuelles (œstrogènes, progestérone, testostérone) avec parfois un retentissement clinique. Il existe un grand nombre de types histologiques, bénins ou malins, dans cette famille. Cependant, le fibrome ovarien (aussi appelé fibrothécome) est la plus fréquente des tumeurs bénignes et la tumeur de la granulosa adulte la plus fréquente des tumeurs malignes ;

•    les tumeurs épithéliales. Elles sont les plus fréquentes des tumeurs organiques de l’ovaire. Elles sont détaillées infra.

III. Principales tumeurs épithéliales de l’ovaire

Les tumeurs épithéliales de l’ovaire sont classées selon deux éléments : le type de cellule épithéliale et le degré de malignité.

Les principaux types de cellules épithéliales sont, par ordre de fréquence :

•   les cellules séreuses : certaine parenté avec les cellules épithéliales tubaires (de la trompe) ;

•   les cellules mucineuses : présence d’une vacuole de mucosécrétion dans les cellules ;

•   les cellules endométrioïdes : ressemblance avec les cellules épithéliales de l’endomètre ;

•   les cellules claires : avec un cytoplasme abondant clarifié ;

•   les cellules transitionnelles : ressemblance avec les cellules épithéliales du revêtement urothélial de la vessie.

Le degré de malignité s’échelonne entre :

•   tumeurs bénignes. Elles sont appelées sous le terme générique d’adénome. Elles peuvent être kystiques (cystadénome), solides, avec une composante fibreuse abondante (adénofibrome), ou une combinaison des deux (cystadénofibromes) ;

•   tumeurs malignes. Elles correspondent à différentes variétés d’adénocarcinomes (cf. Tableau 8.1). Macroscopiquement, elles comportent habituellement une partie solide, avec souvent une partie kystique. Comme toute tumeur maligne, elles peuvent s’accompagner de métastases. Les métastases sont généralement péritonéales, par dissémination directe des cellules tumorales dans la cavité péritonéale (pelvis, puis abdomen).

Les métastases ganglionnaires lymphatiques (ganglions pelviens et lomboaortiques) et viscérales (poumons et foie essentiellement), par diffusion hématogène, sont plus rares ;

•    tumeurs borderline (parfois appelées « tumeurs frontières »). Il s’agit de tumeurs dont le degré de malignité est intermédiaire entre tumeurs bénignes et malignes.

Elles présentent habituellement des végétations intrakystiques ou exokystiques, c’est-à-dire à la surface de l’ovaire. Microscopiquement, l’architecture est souvent papillaire et micropapillaire. Certaines d’entre elles sont associées à une dissémination péritonéale (= implants péritonéaux). Le pronostic est habituellement excellent, mais la présence d’implants péritonéaux (surtout si étendus et/ou associés à une infiltration du tissu graisseux péritonéal sous-jacent) peut rendre le pronostic moins favorable. Une fraction d’entre elles peut évoluer vers une forme maligne. Théoriquement, toutes les combinaisons de « type cellulaire » et de « degré de malignité » sont possibles mais certaines combinaisons sont particulièrement fréquentes et d’autres particulièrement rares. Par exemple, pour un type cellulaire à cellules claires, presque toutes les tumeurs sont des carcinomes (formes malignes) ; les formes borderline sont exceptionnelles et les formes bénignes quasi inexistantes. À l’inverse, pour les tumeurs à cellules transitionnelles, les formes bénignes sont de très loin les plus fréquentes (= « tumeurs de Brenner bénignes »).

Les formes bénignes des tumeurs épithéliales ovariennes sont représentées, par ordre de fréquence, par :

•   les adénomes séreux (cystadénomes, adénofibromes, etc.), pouvant être bilatéraux (Figure. 8.4) ;

•   le cystadénome mucineux, toujours unilatéral, souvent de grande taille (pouvant dépasser 30 cm de grand axe, Figure. 8.5) ;

•    la tumeur bénigne à cellules transitionnelles (« tumeur de Brenner bénigne »), souvent de découverte fortuite ;

•   l’adénofibrome endométrioïde ;

•   l’adénome à cellules claires est exceptionnel.

Les formes borderline sont essentiellement représentées par deux types de tumeurs :

•    la tumeur séreuse borderline (cf. Figure. 8.4).

Assez fréquemment bilatérale, capable de donner des implants péritonéaux, elle évolue parfois vers un carcinome séreux de bas grade ;

•    la tumeur mucineuse borderline (cf. Figure. 8.5).

Toujours unilatérale, jamais accompagnée d’implants péritonéaux, elle évolue parfois vers un carcinome mucineux ;

•   puis, par ordre de fréquence décroissant : la tumeur endométrioïde borderline, la tumeur à cellules transitionnelles borderline (tumeur de Brenner borderline), et la tumeur à cellules claires borderline (exceptionnelle).

Pour les formes malignes (adénocarcinomes), les types histologiques, sont, par ordre décroissant de fréquence (Tableau 8.2) :

•   l’adénocarcinome séreux de haut grade, de loin le plus fréquent (Figure. 8.6) ;

•   l’adénocarcinome endométrioïde ;

•   l’adénocarcinome à cellules claires ;

•   l’adénocarcinome séreux de bas grade ;

•   l’adénocarcinome mucineux.

Une lésion épithéliale doit être classée à part : l’endométriome. Il s’agit de la forme la plus fréquente de l’endométriose ovarienne, sous la forme d’un kyste revêtu de cellules endométrioïdes reposant sur du chorion cytogène (comme dans la muqueuse endométriale normale). Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’une tumeur vraie.

Il existe un lien statistique, faible mais réel, avec la genèse de certains cancers ovariens (carcinome endométrioïde, carcinome à cellules claires notamment). Les ovaires peuvent également être un site de métastase d’un carcinome extra-ovarien, en particulier digestif (cf. infra).

IV. Histogenèse des tumeurs épithéliales de l’ovaire

L’histogenèse des tumeurs épithéliales ovariennes est encore imparfaitement comprise. En effet, comme il n’existe pas à l’état normal de cellules épithéliales dans l’ovaire, il est surprenant que les tumeurs épithéliales soient les tumeurs « organiques » ovariennes les plus fréquentes…

Plusieurs modèles d’histogenèse sont proposés (résumés dans le Tableau 8.2) :

•   modèle du précurseur tubaire : ce modèle est proposé pour les carcinomes séreux de haut grade. Une lésion précurseur, appelée carcinome in situ tubaire (STIC), se développe sur l’épithélium de la trompe, généralement sur le pavillon ou l’ampoule. Les cellules tumorales desquament et se greffent sur l’ovaire, donnant naissance à la masse tumorale ovarienne ;

•   modèle « ovulatoire » ou théorie « de la cicatrisation » : ce modèle est proposé pour les tumeurs séreuses bénignes, les tumeurs séreuses borderline et le carcinome séreux de bas grade. À chaque ovulation, la libération de l’ovocyte par le follicule se traduit par une brèche du revêtement cœlomique de l’ovaire (couche de cellules mésothéliales recouvrant l’ovaire). Lors de la réparation de cette brèche, une invagination du revêtement cœlomique se produit, et s’accompagne parfois de la formation de petits kystes, appelés kystes corticaux par inclusion. Par un phénomène de métaplasie, le revêtement de ces kystes se transforme de cellules mésothéliales en cellules de type tubaire. Alternativement, et plus probablement, la brèche serait en fait réparée par un accolement de l’épithélium d’une frange pavillonnaire tubaire ; cet épithélium se détachant du pavillon, il se greffe à la surface de l’ovaire et donne naissance aux kystes corticaux par inclusion. Ces derniers seraient à l’origine des tumeurs séreuses bénignes (cystadénomes séreux, adénofibromes séreux, etc.). Selon un modèle de tumorigenèse multi-étapes, ces tumeurs séreuses bénignes peuvent évoluer vers une tumeur séreuse borderline, puis vers le carcinome ovarien séreux de bas grade ;

•    pour les tumeurs mucineuses, les modèles sont moins bien établis : une partie d’entre elles pourraient se développer à partir d’un épithélium mucosécrétant qui se serait formé au sein d’un tératome ovarien. Comme pour le carcinome séreux de bas grade, le carcinome mucineux n’apparaît habituellement pas de novo ; au contraire, il existe une séquence multi-étape débutant par un cystadénome mucineux qui évoluerait vers tumeur mucineuse borderline, puis un carcinome mucineux ;

•   modèle du reflux menstruel : ce modèle est proposé pour les tumeurs endométrioïdes : endométriome, adénome endométrioïde, tumeur borderline endométrioïde et carcinome endométrioïde. Lors des règles, une partie des cellules de l’endomètre, au lieu d’être éliminée par le vagin, subit un reflux vers les trompes et se greffe sur les ovaires ;

•   pour les carcinomes à cellules claires, l’existence d’une association statistique avec l’endométriose fait suggérer un développement à partir d’un endométriome. Le schéma d’un tumorigenèse multi-étapes est moins bien accepté car les formes borderline sont exceptionnelles et les formes bénignes quasi inexistantes ;

•   pour les tumeurs à cellules transitionnelles, les tumeurs bénignes (tumeurs de Brenner bénignes) pourraient tirer leur origine de reliquats embryonnaires wolfiens présents dans le ligament large et le long de la trompe (îlots de Walthard). Les beaucoup plus rares tumeurs de Brenner borderline et malignes pourraient se développer à partir de tumeurs de Brenner bénignes selon un modèle de tumorigenèse multi-étapes.

V. Cancer de l’ovaire : épidémiologie, modes d’extension, facteurs de risque et génétique

L’adénocarcinome séreux de haut grade est le type histologique le plus fréquent des carcinomes ovariens, encore plus pour les stades avancés avec carcinose péritonéale. La plupart des données présentées dans ce chapitre ne concernent en fait que ce type de cancer, et pas forcément les autres…

D’un point de vue épidémiologique, en 2020, le cancer de l’ovaire (tous types histologiques) :

•   représente le 8e cancer le plus fréquent chez la femme en France ;

•   représente le 3e cancer gynécologique pelvien (= hors sein), derrière les cancers de l’endomètre et du col utérin ;

•   représente la 8e cause de mortalité par cancer chez la femme ;

•   présente une grande variation dans l’âge d’apparition mais la plupart des tumeurs sont diagnostiquées après la ménopause (âge moyen de 65 ans) (sauf les tumeurs germinales malignes qui sont plutôt observées chez l’enfant et la femme jeune).

Il s’agit d’un cancer de mauvais pronostic : tous stades confondus, la survie globale à 5 ans est de 44 %. Si elle est de 85 % pour les stades I (limités à l’ovaire), elle est inférieure à 20 % pour les stades avancés.

Les stades avancés sont ceux avec une carcinose péritonéale dans la cavité abdominale (au-delà de la cavité pelvienne) avec des nodules de plus de 2 cm et/ou avec des métastases ganglionnaires rétropéritonéales et/ou des métastases dans des organes à distance.

Les stades avancés représentent près de 75 % des patientes au diagnostic.

Le corollaire est que plus de 90 % des cancers ovariens se présentant à un stade avancé sont des adénocarcinomes séreux de haut grade.

Le cancer de l’ovaire est caractérisé par un mode de dissémination qui se fait préférentiellement par voie péritonéale, par ensemencement direct des cellules tumorales ovariennes sur le péritoine pelvien, puis abdominal, selon le flux naturel du liquide péritonéal et aboutit à un tableau de carcinose péritonéale. Les métastases par voies lymphatique (métastases ganglionnaires lymphatiques pelviennes et lomboaortiques) et hématogène (poumon, foie, etc.) sont plus rares. Ce tropisme péritonéal marqué explique le fait que le diagnostic se fait généralement à un stade avancé, avec carcinose péritonéale et ascite.

Les facteurs de risque du cancer de l’ovaire ne sont pas bien établis. Mis à part les syndromes de prédisposition génétique (cf. infra), les différents facteurs décrits présentent un risque relatif assez modeste. Ceci explique qu’une stratégie de dépistage ciblée n’est pas pertinente. Les facteurs de risque reconnus sont :

•   l’obésité ;

•   l’hyperœstrogénie relative : ménarches précoces, ménopause tardive, nulliparité, traitement hormonal de la ménopause avec œstrogènes seuls, etc. ;

•   âge > 50 ans ;

•   infertilité et traitements inducteurs de l’ovulation (notamment stimulation par clomifène) ;

•   exposition à l’amiante ;

•   tabagisme.

La présence d’antécédents familiaux de cancers du sein et de l’ovaire constitue également un facteur de risque, car orientant vers un syndrome de prédisposition familiale BRCA.

À l’inverse, les facteurs protecteurs, avec une implication statistique également relativement faible, sont essentiellement représentés par les facteurs limitant l’hyperœstrogénie : contraception orale, grossesse, allaitement, etc. Les antécédents de salpingectomie bilatérale constituent également un facteur protecteur ; en effet, la salpingectomie bilatérale n’autorise plus le développement de la principale lésion précurseur du carcinome séreux de haut grade ovarien, qui est le STIC. Dix à 15 % des cancers de l’ovaire surviennent dans un contexte de syndrome familial de prédisposition au cancer. Cette relative grande fréquence justifie la réalisation d’une consultation d’oncogénétique devant toute tumeur maligne de l’ovaire. Le syndrome BRCA, lié à des mutations germinales des gènes BRCA1 et BRCA2, est le syndrome génétique le plus souvent incriminé. Il prédispose aux cancers du sein et de l’ovaire. Le risque de développer un cancer de l’ovaire est plus important pour les femmes porteuses d’une mutation du gène BRAC1 que chez celles porteuses d’une mutation du gène BRCA2. Les tumeurs ovariennes apparaissant chez ces patientes ont la particularité d’être en général de meilleur pronostic car plus sensibles à la chimiothérapie.

Ces tumeurs ont de plus une sensibilité particulière à certaines thérapeutiques médicales (inhibiteurs de PARP).

Dans une moindre mesure, le syndrome de Lynch (= instabilité des microsatellites) peut être incriminé devant certains carcinomes ovariens.

VI. Dialogue entre chirurgien et anatomopathologiste devant une tumeur ovarienne organique

Le diagnostic d’une tumeur « organique » de l’ovaire repose sur une preuve histologique (analyse d’une biopsie ou d’une pièce opératoire). En cas de tumeur maligne, l’analyse cytologique d’un liquide d’ascite n’est habituellement pas suffisante pour initier une chimiothérapie. Le diagnostic anatomopathologique d’une tumeur ovarienne nécessite pour le pathologiste d’avoir des informations cliniques et paracliniques : présentation clinique, aspect à l’imagerie et à la cœlioscopie, dosage des marqueurs tumoraux, antécédents personnels de cancer, etc. Ces informations doivent figurer sur le bon de demande de tout examen anatomopathologique d’une tumeur ovarienne. Les RCP incluant gynécologues, oncologues, radiologues, anatomopathologistes, etc. permettent de discuter des attitudes diagnostiques et thérapeutiques à adopter. L’attitude diagnostique dépend de la clinique et de l’aspect radiologique de la tumeur.

A. Hypothèse clinicoradiologique d’une tumeur bénigne

Il est généralement procédé à une exérèse chirurgicale : soit kystectomie (exérèse du kyste préservant le reste de l’ovaire et la trompe), soit annexectomie (exérèse de l’ovaire et de la trompe), en fonction notamment de l’âge de la patiente.

Le compte rendu anatomopathologique de la pièce d’exérèse doit indiquer le type histologique de la tumeur (qui confirme alors habituellement sa bénignité).

B. Hypothèse clinicoradiologique d’une tumeur borderline

Il est généralement procédé à une annexectomie unilatérale ou bilatérale (en fonction de l’âge de la patiente), à une exploration peropératoire soigneuse de la cavité péritonéale avec biopsies multiples à la recherche d’implants, à une cytologie péritonéale, à une omentectomie ± appendicectomie.

Le compte rendu anatomopathologique doit indiquer le type histologique de la tumeur (qui confirme en général son caractère borderline), les facteurs associés à un moins bon pronostic (certaines variantes morphologiques, atteinte de la surface ovarienne, etc.), le statut des différentes biopsies péritonéales (présence ou absence d’implants), celui de la cytologie péritonéale (présence ou absence de cellules tumorales).

C. Tumeur a priori maligne

Il est généralement proposé une cœlioscopie première. Celle-ci permet :

•   d’apprécier l’étendue de la carcinose le cas échéant ;

•   d’apprécier la résécabilité tumorale complète ;

•   de réaliser des biopsies péritonéales afin d’avoir un diagnostic histologique (en cas de carcinose péritonéale). Les biopsies péritonéales doivent être multiples, portant sur des foyers de carcinose péritonéale différents. Sur ces biopsies, le diagnostic anatomopathologique doit comporter le type histologique précis (qui confirme habituellement, la malignité et le caractère primitif tubo-ovarien). Des analyses moléculaires, en particulier la recherche de mutation de BRCA, sont généralement entreprises sur ce matériel, s’il est assez abondant, afin de guider les options thérapeutiques. Ceci souligne la nécessité de biopsies multiples pour avoir un matériel tumoral assez abondant permettant les analyses anatomopathologiques et moléculaires.

D. Tumeur et éventuelles lésions de carcinose paraissant entièrement extirpables lors de l’évaluation cœlioscopique

Le traitement débute par une chirurgie première, qui devrait être complète, c’est-à-dire sans résidu tumoral après la chirurgie. Celle-ci consiste en une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale, cytologie péritonéale et exérèse de toutes les lésions de carcinose péritonéale le cas échéant, complétée, dans certaines situations, par un curage ganglionnaire.

Le compte rendu anatomopathologique doit alors comporter le type histologique de la tumeur ovarienne (et le grade histologique pour les adénocarcinomes séreux et endométrioïdes), son stade (en fonction du caractère tumoral ou non des différents prélèvements effectués, selon la classification TNM ou FIGO), l’aspect des trompes (présence d’une lésion précurseur à type de STIC), la présence ou l’absence de cellules tumorales dans la cytologie péritonéale. L’analyse moléculaire est réalisée sur le matériel.

Le traitement est habituellement complété par 6 cures de chimiothérapie à base de sels de platine. Un traitement de maintenance est généralement proposé en complément (son choix est en partie guidé par les caractéristiques moléculaires de la tumeur).

Si la tumeur et la carcinose ne paraissent pas entièrement résécables lors de l’évaluation cœlioscopique, une chimiothérapie première à base de sels de platine est proposée (chimiothérapie néoadjuvante). Une réévaluation est faite par biologie (évolution du CA125 [cancer antigen 125]), imagerie ± cœlioscopie après 3 à 4 cycles de chimiothérapie. Si la maladie a répondu à la chimiothérapie et devient résécable, il est procédé à l’exérèse chirurgicale de toutes les localisations tumorales, dans l’idéal sans résidu tumoral post-chirurgical (chirurgie d’intervalle). Le traitement est complété par 2 à 3 cures de chimiothérapie (chimiothérapie de clôture) et, le plus souvent, par un traitement de maintenance.

VII. Le problème des métastases

Environ 10 % des tumeurs malignes de l’ovaire sont en fait des métastases d’origine extra-ovarienne. Celles-ci peuvent être :

•   d’origine gynécologique basse : cancers de l’endomètre et du col surtout ;

•   d’origine digestive : tumeurs de l’appendice et cancers du côlon, du rectum, de l’estomac, du pancréas, etc. ;

•   d’origine autre : cancers du sein, du poumon, etc.

Le clinicien et l’anatomopathologiste doivent systématiquement penser à cette hypothèse, plus particulièrement en cas d’antécédents personnels de cancer non ovarien ou d’atteinte ovarienne bilatérale.

Si les tumeurs séreuses primitivement ovariennes sont fréquemment bilatérales, les tumeurs mucineuses primitivement ovariennes sont toujours unilatérales et presque dans tous les cas sans carcinose. En cas de tumeur mucineuse ovarienne bilatérale, a fortiori en cas de présence d’une atteinte péritonéale, l’hypothèse de la métastase aux ovaires d’une tumeur mucosécrétante extra-ovarienne doit être retenue en priorité, nécessitant un bilan complet : fibroscopie gastrique, coloscopie, TDM (tomodensitométrie) avec analyse en coupes fines du pancréas et de l’appendice, examen du col utérin et des seins, etc. L’anatomopathologie peut être prise à défaut dans ces situations ; les aspects morphologiques des métastases ovariennes miment fréquemment une tumeur primitive ovarienne maligne ou borderline, voire bénigne… Les études immunohistochimiques peuvent aider mais permettent rarement d’obtenir un diagnostic de certitude.

Une forme particulière est la tumeur de Krukenberg : il s’agit de la métastase ovarienne unilatérale ou bilatérale d’un adénocarcinome à cellules indépendantes, généralement d’origine gastrique.

Points clés

•   Les tumeurs de l’ovaire peuvent être :

–   « fonctionnelles » = lésion kystique, disparaissant habituellement lors d’un contrôle échographique ;

–   « organiques » = tumeurs vraies.

•   Les tumeurs organiques appartiennent à trois grandes familles :

–   les tumeurs germinales, essentiellement chez la femme jeune, le plus souvent bénignes (tératome mature) ;

–   les tumeurs des cordons sexuels et du stroma ovarien, qui surviennent habituellement autour ou après la ménopause, et qui peuvent être bénignes (fibrome, fibrothécome, etc.) ou malignes (tumeur de la granulosa adulte) ;

–   les tumeurs épithéliales, les plus fréquentes.

•   Les tumeurs épithéliales de l’ovaire peuvent être :

–   bénignes (cystadénome, etc.) ;

–   borderline (degré de malignité intermédiaire entre bénin et malin) ;

•   malignes (adénocarcinomes), avec un mode de dissémination essentiellement péritonéal (carcinose). L’adénocarcinome séreux de haut grade est la plus fréquente des tumeurs malignes de l’ovaire. Dans trois quarts des cas, il se présente au diagnostic avec une carcinose péritonéale. Il s’agit d’une tumeur de mauvais pronostic. Il existe souvent une lésion précurseur sur la trompe (STIC).

•   Le diagnostic des tumeurs organiques des ovaires doit être histologique (et non pas seulement cytologique).

•   Dix à 15 % des tumeurs épithéliales malignes de l’ovaire surviennent dans le cadre d’un syndrome familial de prédisposition au cancer : essentiellement le syndrome BRCA, prédisposant au cancer du sein et des ovaires. Une consultation d’oncogénétique est donc nécessaire devant un cancer de l’ovaire.

•   Dix pour cent des tumeurs épithéliales malignes des ovaires sont des métastases d’origine extra-ovarienne.

Item 312 – Tumeurs du sein

Auteur : David Buob

I.   Prérequis

II.   Lésions bénignes du sein

III.   Épidémiologie du cancer du sein

IV.   Carcinome in situ

V.   Caractéristiques anatomopathologiques des carcinomes infiltrants

VI.   Stratégie diagnostique

VII.   Facteurs théranostiques et pronostiques anatomopathologiques

VIII.   Chirurgie et examen anatomopathologique

Hiérarchisation des connaissances – Tableau 3 

I. Prérequis

A. Rappel d’anatomie

Le sein comporte d’avant en arrière : le tégument (peau), le tissu conjonctif sous-cutané renfermant la glande mammaire, puis un tissu conjonctif lâche permettant au corps mammaire de glisser en arrière sur le plan musculaire du grand pectoral. Au niveau du mamelon, s’ouvre une dizaine de pores galactophoriques. La glande mammaire correspond à un système ramifié de canaux galactophores. En arrière du mamelon, ces galactophores se divisent en canaux de plus en plus étroits, jusqu’à l’unité terminale ductolobulaire (UTDL). L’UTDL comporte les canaux extra et intralobulaires qui se terminent par les acini qui sont fonctionnels surtout pendant la grossesse et la lactation (Figure. 9.1).

B. Rappel histologique

Les canaux et les acini ont deux couches cellulaires (interne et externe) délimitées par une membrane basale. La couche externe renferme des cellules myoépithéliales (contractiles). La couche interne est faite de cellules épithéliales mucosécrétantes. Le tissu conjonctif, dénommé tissu palléal, renferme des vaisseaux sanguins lymphatiques et du collagène.

II. Lésions bénignes du sein

Les lésions bénignes élémentaires du sein constituent un ensemble hétérogène de lésions.

Parmi les tumeurs bénignes, on distingue :

•   les adénofibromes.

Il s’agit de prolifération conjonctivoépithéliale du tissu palléal dans l’UTDL ;

•    les papillomes : prolifération épithéliale d’architecture papillaire dans un canal.

La mastopathie fibrokystique du sein est une maladie fréquente chez des patientes en périménopause, révélée par des anomalies radiologiques.

À l’histologie, la mastose fibrokystique correspond à des modifications épithéliales et du tissu conjonctif, associant classiquement quatre éléments :

•   des kystes (dilatation de canaux galactophores) ;

•   une hyperplasie épithéliale canalaire ;

•   une adénose (prolifération du nombre de lobules) ;

•   des cicatrices radiaires (lésion stellaire à centre fibreux).

III. Épidémiologie du cancer du sein

C’est le plus fréquent des cancers de la femme (une femme sur dix est concernée) :

•   l’incidence est de 58 400 nouveaux cas par an en France (2018) ;

•   il touche la femme d’âge ≥ 50 ans dans 80 % des cas ;

•   le taux de survie globale à 5 ans est de 88 % ;

•   c’est la première cause de décès par cancer chez la femme devant le cancer du poumon ;

•   il peut être favorisé par des mutations des gènes BRCA1 et BRCA2.

IV. Carcinome in situ

Le carcinome in situ de type canalaire (CCIS, ou carcinome intracanalaire) est une prolifération tumorale locale, développée dans les canaux et les acini sans rupture de la membrane basale et donc sans infiltration du tissu conjonctif mammaire. En conséquence, le risque métastatique est nul à ce stade. Le CCIS, souvent révélé par la présence de microcalcifications à l’imagerie, a pour risque d’évoluer vers un carcinome infiltrant.

En cas de CCIS, l’examen anatomopathologique doit préciser la morphologie des noyaux (grade nucléaire de Holland), la présence de nécrose ou les microcalcifications. La présence de nécrose souvent mêlée aux microcalcifications augmente le risque de cancer infiltrant.

V. Caractéristiques anatomopathologiques des carcinomes infiltrants

Les cancers du sein sont des adénocarcinomes dans plus de 95 % des cas. L’examen anatomopathologique doit préciser le sous-type histologique d’adénocarcinome et le grade histopronostique d’Elston et Ellis.

A. Principaux types histologiques d’adénocarcinomes

•   Carcinome infiltrant de type non spécifique (ou carcinome canalaire infiltrant) : ≈ 90 % des cancers du sein.

Sur le plan histologique, les cellules tumorales sont cohésives et ont une architecture glandulaire variable en fonction du degré de différenciation du cancer. (Figure. 9.2).

•    Carcinome infiltrant de type lobulaire (Figure. 9.3) : ≈ 10 % des cancers du sein. Ils sont plus souvent multifocaux ou bilatéraux.

À la différence des carcinomes de type non spécifique, les cellules tumorales des carcinomes lobulaires sont non cohésives avec des aspects en « file indienne » au microscope. Elles sont caractérisées par une perte d’expression de la E-cadhérine pouvant être mise en évidence en immunohistochimie.

•   Autres types : carcinomes tubuleux, mucineux, micropapillaires, adénoïdes kystiques, etc.

Il existe d’autres tumeurs malignes que les adénocarcinomes primitifs, mais elles sont exceptionnelles (lymphome, sarcome, métastase mammaire).

B. Grade histopronostique

Les caractéristiques anatomopathologiques des cancers du sein sont synthétisées sous la forme du grade histopronostique de Elston et Ellis (ou « Scarf-Bloom-Richardson modifié » ou « score de Nottingham ») (Tableau 9.1) qui comprend trois grades (I, II et III), obtenus par l’addition de trois critères microscopiques : différenciation architecturale, atypies nucléaires et nombre de mitoses. Plus le grade est élevé, moins bon est le pronostic.

Pour le calcul du grade de Elston et Ellis, chaque critère est coté de 1 à 3 :

•   si score total = 3, 4 ou 5 : grade I ;

•   si score total = 6 ou 7 : grade II ;

•   si score total = 8 ou 9 : grade III.

Le marqueur de prolifération Ki-67 est également souvent utilisé en immunohistochimie en complément du compte des mitoses.

VI. Stratégie diagnostique

Les lésions mammaires peuvent être mises en évidence à la suite d’un examen clinique ou dans le cadre du dépistage du cancer du sein (organisé en France par mammographie tous les 2 ans chez toutes les femmes entre 50 et 74 ans).

En fonction des caractéristiques des lésions à l’imagerie (nodule individualisable, lésions stellaires, microcalcifications), différentes conduites diagnostiques sont possibles pour apporter l’indispensable preuve histologique (Figure. 9.4).

S’il s’agit d’une lésion formant une masse (nodule palpable ou image stellaire à l’imagerie), une biopsie au pistolet est pratiquée avec une aiguille de calibre standard de 14G (dite « microbiopsie » par opposition aux macrobiopsies, cf. infra). En cas de lésion ne se traduisant pas par une masse accessible à une microbiopsie (microcalcifications essentiellement), des macrobiopsies avec aiguille de 10G sont réalisées.

Les macrobiopsies, qui permettent d’obtenir un matériel tissulaire plus abondant, sont plus rentables pour le diagnostic des lésions à l’origine des microcalcifications (carcinome in situ notamment).

L’examen anatomopathologique des prélèvements biopsiques a pour but :

•   de confirmer la nature maligne de la lésion biopsiée ;

•   en cas de cancer, de préciser s’il s’agit d’un cancer in situ ou d’un cancer infiltrant ;

•   en cas de cancer infiltrant :

–   de préciser le type histologique (non spécifique ou lobulaire),

–   de préciser le grade de Elston et Ellis,

–   de déterminer le statut des facteurs prédictifs et théranostiques des cancers du sein : récepteurs hormonaux, oncogène HER2, marqueur de prolifération Ki-67 (cf. infra).

En cas d’anomalie lors de l’échographie axillaire, un prélèvement ganglionnaire est réalisé par cytoponction ou biopsie à la recherche d’un envahissement métastatique. La cytoponction, réalisée à l’aide d’une aiguille de plus petit calibre, a l’avantage d’être un geste moins invasif que la biopsie.

VII. Facteurs théranostiques et pronostiques anatomopathologiques

Il est essentiel de rechercher les facteurs prédictifs d’une éventuelle efficacité des thérapies ciblées pouvant être proposées aux patientes atteintes de cancer du sein. La recherche de ces facteurs est donc obligatoire pour tout cancer du sein et doit apparaître dans le compte rendu anatomopathologique.

A. Récepteurs hormonaux d’œstrogènes et de progestérone

Pour tout cancer du sein infiltrant, le pourcentage de cellules tumorales exprimant les récepteurs hormonaux (récepteurs des œstrogènes, RO, et récepteurs de la progestérone, RP) est évalué par immunohistochimie (Figure. 9.5). Un traitement hormonal peut être instauré si plus de 10 % des cellules tumorales expriment les RO.

L’expression des RP a une valeur pronostique.

B. Oncogène HER2 (HER2-neu ou c-erbB2)

Son expression a une valeur pronostique péjorative mais permet également la prescription d’un médicament (trastuzumab [Herceptine]) ciblant spécifiquement les cellules surexprimant HER2.

La recherche d’une surexpression de HER2 est d’abord faite par immunohistochimie pour tout cancer du sein infiltrant ; le résultat de l’immunohistochimie est exprimé sous la forme d’un score (score 0, 1+, 2+, 3+).

Le score dépend du pourcentage de cellules marquées et de l’intensité du marquage en immunohistochimie.

En cas de score 3+ (Figure. 9.6), l’expression de HER2 est considérée comme significative et un traitement anti-HER2 est justifié.

En cas de score 2+, l’immunohistochimie est considérée comme ambiguë et doit être complétée par une étude par hybridation in situ recherchant une amplification du gène ; si une amplification du gène est mise en évidence par hybridation in situ (Figure. 9.7), un traitement anti-HER2 est justifié.

L’immunohistochimie, technique simple, est donc réalisée systématiquement pour la recherche d’une surexpression de HER2. Ce n’est que dans la situation ambiguë où le score immunohistochimique est égal à 2+ qu’une hybridation in situ, plus complexe, doit être réalisée pour déterminer s’il existe ou non une amplification de HER2. L’hybridation in situ est habituellement réalisée à l’aide de sondes couplées à des fluorochromes : c’est l’hybridation in situ par fluorescence ou FISH (fluorescent in situ hybridization). D’autres méthodes de révélation existent (silver enhanced in situ hybridization, SISH, et chromogenic in situ hybridization, CISH). Les cancers du sein surexprimant HER2 représentent environ 10-15 % des cancers du sein.

C. Autres facteurs pronostiques

Les autres facteurs pronostiques liés à la tumeur sont :

•   la présence et le nombre de ganglions métastatiques +++ ;

•   la taille de la tumeur ;

•   le sous-type histologique (bon pronostic : tubuleux, mucineux) ;

•   le grade histopronostique d’Elston et Ellis ;

•   l’index de prolifération (évalué par le Ki-67) ;

•    les emboles vasculaires tumoraux.

Un grade histopronostique élevé, un index de prolifération élevé, la négativité de RO et RP, la surexpression de HER2, la présence d’emboles vasculaires tumoraux sont des facteurs de mauvais pronostic.

La conférence de consensus de St-Gallen a établi une classification moléculaire, distinguant les cancers du sein en quatre catégories selon l’expression immunohistochimique des récepteurs hormonaux, de HER2 et du Ki-67 (utilisé pour évaluer l’index de prolifération tumoral) (Tableau 9.2).

L’imagerie, la clinique et les données anatomopathologiques de la biopsie vont conditionner la conduite thérapeutique décidée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).

VIII. Chirurgie et examen anatomopathologique

A. Exérèse chirurgicale de la lésion mammaire

Il peut s’agir d’une tumorectomie (résection partielle du sein) ou d’une mastectomie (ablation de toute la glande mammaire).

La pièce opératoire doit être orientée par le chirurgien pour faciliter l’analyse de la qualité de l’exérèse (Figure. 9.8).

L’analyse anatomopathologique des cancers infiltrants à partir des pièces opératoires a pour but de confirmer les données apportées par la biopsie ayant permis le diagnostic initial :

•   type histologique : carcinome infiltrant : NOS (not otherwise specified)/lobulaire/autres (suivant la classification de l’OMS en vigueur) ;

•   grade histopronostique d’Elston et Ellis ;

•   statut des récepteurs hormonaux : RO et RP ;

•   statut HER2.

Les autres informations importantes apportées par l’examen des pièces opératoires avec cancer infiltrant sont les suivantes :

•   taille histologique de la tumeur maligne infiltrante et pT de la classification TNM ;

•    présence/absence d’emboles vasculaires (les biopsies étant peu sensibles pour leur mise en évidence en raison de l’échantillonnage limité qu’elles représentent) ;

•    qualité de l’exérèse : marge = distance entre la tumeur infiltrante et les limites d’exérèse (d’où l’importance du repérage fait par le chirurgien)

•   appréciation de la réponse histologique en cas d’éventuel traitement néoadjuvant ;

•   précision de la présence d’un éventuel carcinome canalaire in situ associé.

B. Ganglion sentinelle

Le cancer du sein évolue d’abord localement, puis s’étend dans les ganglions lymphatiques drainant les seins (chaîne axillaire en particulier) avant de disséminer ensuite dans l’organisme sous la forme de métastases viscérales (osseuses, hépatiques et pulmonaires principalement). Le ganglion sentinelle est le premier relais ganglionnaire de drainage de la glande mammaire. Un ganglion sentinelle métastatique est prédictif de l’envahissement du reste du curage axillaire : dans cette situation, un curage axillaire est donc discuté en RCP ; si le ganglion n’est pas métastatique, on ne réalise habituellement pas de curage, ce qui évite d’exposer les patientes aux morbidités associées au curage axillaire.

Repérage du ganglion sentinelle :

La veille de l’intervention, un colloïde marqué au technétium est injecté aux quatre coins de la tumeur (péritumorale) si la tumeur est palpable. Si la tumeur est non palpable, l’injection est périaréolaire du quadrant où se situe la tumeur. Lors de l’intervention, le chirurgien injecte selon la même méthode le bleu patenté avant l’incision cutanée. Puis il recherche le ou les ganglions sentinelles marqués au technétium grâce à une sonde et/ou colorés par le bleu patenté, en réalise l’exérèse et les adresse au laboratoire d’anatomie pathologique avec demande éventuelle d’un examen extemporané (Figure. 9.9).

La prise en charge anatomopathologique du ganglion sentinelle a pour but de mettre en évidence des métastases de petite taille (micrométastase : métastase < 2 mm). Le ou les ganglions sont coupés perpendiculairement au plus grand axe du ganglion en tranches de 2 mm d’épaisseur et en totalité.

Points clés

•   Les cancers infiltrants du sein sont quasiment toujours des adénocarcinomes.

•   Il est indispensable de préciser le type histologique d’adénocarcinome, le grade histopronostique d’Elston et Ellis et les facteurs pronostiques et/ou prédictifs thérapeutiques (RO, RP, HER2).

•   L’envahissement du ganglion sentinelle est prédictif de l’envahissement du curage axillaire. Si ce dernier est métastatique, un curage axillaire est discuté en RCP.