CHAPITRE VIII – DERMATOLOGIE
Auteur : Nicolas Ortonne
Plan :
• Item 112 – Dermatose bulleuse touchant la peau et/ou les muqueuses externes
• Item 194 – Lupus systémique. Syndrome des antiphospholipides (SAPL)
• Item 302 – Tumeurs cutanées épithéliales et mélaniques
Item 112 – Dermatose bulleuse touchant la peau et/ou les muqueuses externes
I. Prérequis
II. Notions cliniques
III. Principes des méthodes diagnostiques
IV. Caractéristiques cliniques, variants et aspects anatomopathologiques des dermatoses bulleuses auto-immunes
V. Aspects anatomopathologiques des dermatoses bulleuses non auto-immunes les plus fréquentes
Hiérarchisation des connaissances – Tableau 1
I. Prérequis
L’histologie de la peau normale est illustrée figure 27.1.
On distingue :
• l’épiderme : épithélium malpighien kératinisant (pavimenteux, stratifié) ;
• le derme (tissu conjonctif situé sous l’épiderme duquel il est séparé par la membrane basale).
Dans l’épiderme, il y a aussi des cellules pigmentées (mélanocytes) et quelques cellules de Langerhans. Au sein de l’épiderme, on distingue de la profondeur à la superficie : la couche basale (cellules au contact de la membrane basale), le corps muqueux, la couche granuleuse, et enfin la couche cornée (kératine).
II. Notions cliniques
• les toxidermies, en particulier le syndrome de Lyell (groupe des nécrolyses épidermiques toxiques) ;
• l’érythème polymorphe bulleux post-infectieux ;
• les agents externes (chaleur, brûlures, coup de soleil, frottement, etc.) ;
• les infections staphylococciques avec production de toxines exfoliantes (épidermolyse staphylococcique) ;
•
• les épidermolyses bulleuses d’origine génétique.
III. Principes des méthodes diagnostiques
Le diagnostic repose sur l’association de critères :
• cliniques ;
• immunologiques : recherche d’autoanticorps dans le sérum ;
• anatomopathologiques, nécessitant :
– un prélèvement biopsique sur une bulle récente ou intacte, en périphérie du décollement, fixé par le formol pour examen histologique classique,
– un prélèvement biopsique en peau péribulleuse, sans fixation, transporté immédiatement vers le laboratoire d’anatomie pathologique pour congélation, puis examen en IF directe.
Remarque :
A. Examen histologique
B. Examen d’immunofluorescence cutanée directe sur une biopsie cutanée congelée
L’IF cutanée directe a pour objectif la détection des immunoglobulines (autoanticorps) et du complément déposés dans la peau (figure. 27.2). Cet examen a un intérêt dans trois situations :
• le lupus : détection d’une bande lupique;
• les maladies bulleuses auto-immunes ;
• les vascularites cutanées pour la détection de complexes immuns dans les parois des capillaires dermiques.
• réalisation de coupes du tissu congelé (peau) au cryostat déposées sur une lame ;
• dépôt sur la coupe d’un anticorps spécifique (anti-IgG ou anti-C3 par exemple) couplé à un fluorochrome (FITC [fluorescein isothiocyanate], de couleur verte le plus souvent), puis rinçage éliminant les anticorps qui ne se sont pas fixés sur leur cible ;
• examen de la lame avec un microscope à fluorescence : visualisation de la fluorescence là où il y a des dépôts d’IgG ou de C3 ;
• interprétation du résultat : localisation et nature des dépôts.
Le choix d’un immunomarquage fluorescent sur une coupe congelée s’explique par le fait que l’on souhaite marquer une protéine extracellulaire présente en faible quantité dans le tissu, nécessitant un marquage très sensible sans dénaturation des structures protéiques (autoanticorps : immunoglobuline et complément). L’IF sur tissu congelé est donc la technique de choix pour la mise en évidence des dépôts d’immunoglobulines et de complément ; elle est plus sensible et spécifique que l’immunohistochimie classique faite à partir du tissu fixé par le formol et inclus en paraffine.
IV. Caractéristiques cliniques, variants et aspects anatomopathologiques des dermatoses bulleuses auto-immunes
• la cible de l’autoanticorps produit ;
• l’aspect histologique (figure 27-4 et figure 27-6);
• l’aspect en IF directe (figure 27-5 et figure 27-7).
A. Pemphigus vulgaire
• pemphigus superficiel (foliacé ou séborrhéique). Histologiquement, le clivage se situe sous la couche cornée.
•
B. Pemphigoïde bulleuse
C. Dermatose à IgA linéaires
Elle peut être considérée comme une variante de pemphigoïde. L’antigène cible est d’ailleurs un fragment du BPAG1, cible de la pemphigoïde. La maladie survient chez des sujets beaucoup plus jeunes, voire des enfants, et volontiers au décours de prises médicamenteuses, classiquement la vancomycine. Elle se manifeste par des bulles sur la racine des membres, se regroupant en rosettes. Dans cette maladie, les autoanticorps sont d’isotype IgA (d’où le nom de la maladie) qui recrutent plutôt des polynucléaires neutrophiles que des éosinophiles dans les lésions cutanées qui sont des bulles à la jonction dermoépidermique.
D. Dermatite herpétiforme
Elle se voit également chez l’enfant et le sujet jeune. Elle ne donne pas de bulles mais plutôt des vésicules très prurigineuses, sur la racine des membres et les fesses. Elle est liée à la production d’anticorps anti-transglutaminase, et s’associe presque constamment à une maladie cœliaque.
V. Aspects anatomopathologiques des dermatoses bulleuses non auto-immunes les plus fréquentes
A. Toxidermies
B. Érythème polymorphe bulleux
C. Porphyrie cutanée tardive
La porphyrie cutanée tardive est une des formes les plus fréquentes de porphyrie, qui est due à des anomalies dans le métabolisme de l’hémoglobine. Les malades ont une fragilité cutanée et développent des bulles. Histologiquement, ce sont des bulles par décollement complet de l’épiderme, sans réaction inflammatoire, associées à un épaississement des basales des capillaires (mieux visibles sur la coloration par le PAS).
Points clés
• Les dermatoses bulleuses auto-immunes de la peau sont dues à des autoanticorps reconnaissant des antigènes cutanés.
• Le diagnostic repose sur l’aspect clinique, la recherche d’autoanticorps dans le sérum (immunofluorescence indirecte) et les examens anatomopathologiques nécessitant :
– un examen histologique standard à partir d’un prélèvement biopsique sur une bulle récente ou intacte, en périphérie du décollement ;
– un examen en immunofluorescence directe à partir d’un prélèvement biopsique en peau péribulleuse.
• La maladie la plus fréquente est la pemphigoïde bulleuse, qui touche les sujets âgés et se caractérise par des bulles sous-épidermiques. L’IF met en évidence les autoanticorps antimembrane basale sous la forme d’un marquage linéaire à la jonction dermoépidermique.
• Le pemphigus et ses variantes sont responsables de lésions cutanées et muqueuses, avec formation de bulles intra-épidermiques fragiles. L’examen anatomopathologique standard met en évidence une acantholyse et l’IF un aspect en « mailles ».
• De nombreuses autres maladies dermatologiques peuvent entraîner la formation de bulles : toxidermies (nécrolyse épidermique toxique), maladies métaboliques (porphyrie cutanée tardive), érythème polymorphe post-infectieux, bulles de causes mécaniques, etc. Dans ces cas, l’examen en IF de la biopsie est négatif.
Item 194 – Lupus systémique. Syndrome des antiphospholipides (SAPL)
I. Généralités – Physiopathologie
II. Lupus et anatomie pathologique
Hiérarchisation des connaissances – Tableau 2
I. Généralités – Physiopathologie
• rash malaire ;
• rash « discoïde » ;
• photosensibilité ;
• ulcérations orales ou nasopharyngées ;
• arthrite non érosive d’au moins deux articulations périphériques ;
• sérite (pleurésie, péricardite) ;
• atteinte rénale : protéinurie ≥ 0,5 g/24 h, cylindres ;
• atteinte neurologique (convulsions ou psychose) ;
• atteinte hématologique : cytopénie(s) ;
• titre anormal de facteurs antinucléaires ;
• anticorps anti-ADN natifs ou anomalies immunologiques.
II. Lupus et anatomie pathologique
• confirmer la nature « lupique » d’une lésion cutanée ;
• évaluer la nature et le degré évolutif de l’atteinte rénale.
Lésions cutanées du lupus : On distingue les lésions dites spécifiques, ne s’observant qu’au cours du lupus, des lésions non spécifiques, pouvant s’observer au cours d’autres maladies.
1. Prélèvements – Techniques
La biopsie cutanée n’est pas systématique.
Elle peut être utile pour confirmer la nature lupique d’une lésion.
• un fragment pour examen anatomopathologique classique (histologie sur fragment fixé qui sera inclus en paraffine) ;
• un fragment sans fixateur pour examen en immunofluorescence directe. Ce prélèvement doit être adressé sans fixateur immédiatement au laboratoire d’anatomie pathologique pour congélation. Sur la feuille de demande d’examen accompagnant les deux prélèvements, doivent être précisés le contexte clinique (suspicion de lupus), la demande d’examen histologique classique et la demande d’examen en immunofluorescence.
Immunofluorescence cutanée directe
• le lupus : détection d’une bande lupique ;
• les maladies bulleuses auto-immunes (cf. item 112) ;
• les vascularites cutanées pour la détection de complexes immuns dans les parois des capillaires dermiques (cf. item 193).
• localisé à la jonction dermoépidermique ;
• formant une bande granulaire ;
• constitué d’immunoglobulines (IgG et/ou IgM, ± IgA) et de fractions du complexe d’attaque membranaire du complément (C1q, C3).
Attention !
2. Lésions spécifiques
Lupus à expression dermoépidermique : ses caractéristiques sont décrites dans le tableau 28.1 (voir aussi figures 28-1, 28-2, 28-3).
Autres lésions lupiques spécifiques
•
– lupus « tumidus » ;
– lupus engelure ;
• Lupus hypodermique : panniculite lupique.
3. Lésions non spécifiques
Elles ne sont spécifiques du lupus ni cliniquement ni histologiquement. Elles traduisent la présence d’autoanticorps thrombogènes ou capables de former des complexes immuns, phénomène que l’on peut retrouver dans d’autres maladies :
• atteinte vasculaire inflammatoire : purpura vasculaire, urticaire ;
• atteinte vasculaire thrombotique, éventuellement dans le cadre d’un syndrome des antiphospholipides (fréquent dans la forme subaiguë et parfois dans la forme aiguë) : livedo, nécroses cutanées.
Points clés
• Le lupus est une maladie auto-immune qui atteint fréquemment et parfois exclusivement la peau.
• Il existe trois lésions cutanées spécifiques de la maladie : le lupus aigu, le lupus subaigu et le lupus chronique.
• Le diagnostic de lupus repose sur un faisceau d’arguments cliniques et biologiques.
• L’examen d’une biopsie cutanée par immunofluorescence directe est un élément diagnostique dont la positivité est définie par la mise en évidence d’un aspect de « bande lupique ».
Item 302 – Tumeurs cutanées, épithéliales et mélaniques
Hiérarchisation des connaissances – Tableau 3
Tumeurs cutanées épithéliales
I. Prérequis
II. Fréquence et épidémiologie
III. Types histologiques
IV. Carcinome basocellulaire
V. Carcinome épidermoïde cutané et lésions précancéreuses
I. Prérequis
Histologie de la peau normale (avec kératinocytes, mélanocytes, épiderme, derme papillaire, etc.).
II. Fréquence et épidémiologie
III. Types histologiques
Les deux principaux carcinomes cutanés épithéliaux sont :
• le carcinome basocellulaire ;
• le carcinome épidermoïde.
Le tableau 29.1 donne les principales caractéristiques histologiques et évolutives de ces deux carcinomes.
Le tableau 29.2 résume les principales caractéristiques cliniques et les facteurs pronostiques de ces deux cancers.
IV. Carcinome basocellulaire
C’est le plus fréquent des cancers. Il s’agit d’une tumeur exclusivement cutanée survenant en peau saine (pas de lésion précancéreuse).
A. Aspect histologique
• Cellules monomorphes, basaloïdes (ressemblent aux cellules de la couche basale de l’épiderme) (figure. 29.1).
• Disposées en palissades en périphérie des amas tumoraux.
• Fentes de rétraction entre la tumeur et le stroma.
• Formes « infiltrantes » ou « sclérodermiformes » : stroma dense et fibreux, limites imprécises (rendant l’exérèse complète plus difficile).
B. Diagnostic et traitement
• aspect/taille de la lésion ;
• sous-type histologique (superficiel, nodulaire, infiltrant, sclérodermiforme, métatypique, composite) ;
• qualité de l’exérèse (limites latérales et profondes) :
– en tissu tumoral,
– au ras de la tumeur,
– en tissu sain (préciser la marge minimale).
V. Carcinome épidermoïde cutané et lésions précancéreuses
Le carcinome épidermoïde cutané est beaucoup moins fréquent que le carcinome basocellulaire.
Le carcinome épidermoïde survient souvent en peau lésée (lésion précancéreuse : kératose actinique ou maladie de Bowen), et peut, à la différence du carcinome basocellulaire, toucher les muqueuses.
A. Lésions précancéreuses
1. Kératose actinique
Les lésions sont liées aux UV (peau exposée) et sont isolées ou multiples.
2. Carcinome épidermoïde in situ (ex-maladie de Bowen)
Il s’agit d’un carcinome épidermoïde intra-épithélial.
3. Leucoplasie
Il s’agit d’une lésion clinique : plaque blanchâtre au niveau des muqueuses.
4. Érythroplasie de Queyrat
B. Aspect histologique
• cellules malpighiennes (kératinocytes) atypiques, disposées en lobules ou en travées ;
• mitoses ;
• différenciation kératinisante (globes cornés) ;
• infiltration/invasion (franchissement de la membrane basale) du derme/de l’hypoderme ;
• stroma inflammatoire.
Ainsi, seraient de meilleur pronostic les carcinomes :
• verruqueux (très bien différenciés, exophytiques), parfois développés sur une ulcération chronique ;
• à cellules fusiformes ;
• mixtes basosquameux.
En revanche, seraient de plus mauvais pronostic les formes :
• acantholytiques (les cellules se détachent les unes des autres) ;
• adénosquameuses (forme mixte d’adénocarcinome, carcinome épidermoïde) ;
• desmoplastiques (stroma fibreux abondant).
C. Diagnostic et traitement des carcinomes épidermoïdes cutanés
La biopsie est recommandée :
• si le diagnostic clinique est incertain ;
• si un traitement non chirurgical est envisagé ;
• pour confirmation diagnostique préopératoire avant une intervention mutilante.
• taille de la tumeur ; facteur de mauvais pronostic > 2 cm ;
• différenciation (bien/moyennement/peu) ;
• invasion périnerveuse (oui/non) ;
• emboles lymphatiques microscopiques (oui/non) ;
• épaisseur tumorale ; facteur de mauvais pronostic si épaisseur > 3 mm ;
•
• qualité de l’exérèse :
– limites latérales : en tissu tumoral, au ras de la tumeur, en tissu sain (préciser la marge minimale),
– limites profondes : en tissu tumoral, au ras de la tumeur, en tissu sain (préciser la marge minimale) ;
• pTN (préciser l’année d’édition de la classification).
Points clés
Carcinome basocellulaire
• C’est le plus fréquent des cancers de la peau.
• Son évolution est quasi exclusivement locale (métastases exceptionnelles).
• Il survient en peau saine (photoexposée).
• Le traitement de référence est l’exérèse chirurgicale.
Carcinome épidermoïde
• Il est moins fréquent.
• Il existe une possibilité de métastases ganglionnaires ou viscérales.
• Il survient souvent en peau lésée (lésions précancéreuses : kératose actinique, carcinome épidermoïde in situ, leucoplasie).
• Il peut toucher les muqueuses.
• Les sous-types histologiques ont une valeur pronostique.
• Le traitement de référence est l’exérèse chirurgicale.
• Le compte rendu anatomopathologique de l’exérèse doit préciser la taille de la lésion, la présence ou non d’emboles vasculaires ou périnerveux, l’épaisseur tumorale sur coupe histologique (mesure en mm) qui ont également une valeur pronostique.
Mélanomes
I. Prérequis
II. Fréquence et épidémiologie
III. Lésions précancéreuses et facteurs de risque de mélanome
IV. Nævus
V. Sous-types histologiques des mélanomes
VI. Diagnostic d’une tumeur cutanée pigmentée
VII. Prise en charge thérapeutique
I. Prérequis
Histologie de la peau normale (cf. figure 27.1).
II. Fréquence et épidémiologie
•
•
III. Lésions précancéreuses et facteurs de risque de mélanome
• coups de soleils avant l’âge de 15 ans ;
• exposition solaire intense, intermittente ou chronique ;
• phototype clair ;
• antécédents personnels ou familiaux de mélanome : il existe des formes familiales de mélanome, dont les gènes en cause sont en partie identifiés (mutation inactivatrice de CDKN2A par exemple) ;
• nombre élevé de nævus et en particulier syndrome de nævus atypiques.
IV. Nævus
A. Nævus communs acquis
Les nævus communs acquis (« grains de beauté ») sont les plus fréquents et ne posent en général pas de problème diagnostique, dès l’examen clinique. Ils apparaissent avant 50 ans, puis ont tendance à régresser. Sur le plan histologique, les nævus communs sont constitués de mélanocytes qui se groupent en amas (thèques) dans la couche basale de l’épiderme (nævus jonctionnels), ou le derme (nævus dermiques) (figure 29.5). Les nævus mixtes ou composés sont définis par la présence de thèques dans le derme et à la jonction dermoépidermique. L’architecture régulière, la présence de thèques et les caractéristiques des mélanocytes permettent de distinguer les nævus des mélanomes.
B. Nævus congénitaux
Ce sont des lésions malformatives qui peuvent parfois être géantes, pouvant recouvrir tout un membre ou une grande partie du tronc. Leur risque de transformation en mélanome augmente avec leur taille.
C. Autres types de nævus
Le groupe des nævus bleus (figure 29.6) est caractérisé par une prolifération de cellules mélanocytaires strictement intradermique et très pigmentée, renfermant d’importants dépôts de mélanine. D’autres nævus particuliers sont décrits : le nævus de Sutton ou « halo nævus » par exemple est un nævus commun entouré cliniquement d’une zone de dépigmentation en rapport avec une réaction inflammatoire lymphocytaire ciblant les mélanocytes (cellules du nævus et mélanocytes normaux avoisinants).
D. Nævus cliniquement atypiques
Il existe des nævus cliniquement atypiques. Il s’agit de lésions mélanocytaires qui ont certains critères « ABCDE » (cf. infra), posant le problème du diagnostic différentiel avec un mélanome débutant. Ces lésions doivent systématiquement faire l’objet d’une évaluation clinique par un dermatologue et si nécessaire d’une biopsie-exérèse pour étude anatomopathologique. Ils peuvent entrer dans le cadre d’un syndrome des nævus atypiques qui se définit par l’existence de plus de 50 nævus sur tout le corps avec un aspect clinique atypique (faisant craindre un mélanome). Les sujets présentant de telles lésions en grand nombre sont plus à risque de développer un mélanome.
V. Sous-types histologiques des mélanomes
Le mélanome est une tumeur maligne mélanocytaire.
A. Mélanome superficiel extensif (superficial spreading melanoma [SSM])
Au stade intra-épidermique (cancer in situ), l’exérèse est curative.
B. Mélanome nodulaire
Il représente 10 à 20 % des mélanomes. C’est la forme la plus agressive, d’emblée invasive.
C. Mélanome acral lentigineux
C’est un mélanome qui se localise sur les régions palmoplantaires ou l’appareil unguéal.
On le voit de façon plus fréquente que les autres chez les sujets à peau noire.
D. Mélanome de Dubreuilh
VI. Diagnostic d’une tumeur cutanée pigmentée
A. Diagnostic clinique
• A : asymétrie ;
• B : bords irréguliers ;
• C : couleur inhomogène ;
• D : diamètre > 6 mm ;
• E : évolutivité.
L’examen clinique peut être aidé d’une analyse de la lésion par un dermatoscope, qui est une sorte de loupe appliquée directement sur la peau.
Remarque : l’analyse histologique n’est pas nécessaire pour les lésions ayant un aspect clinique caractéristique d’un nævus c’est-à-dire n’ayant aucun des critères ABCDE. Elle le devient dans les cas douteux ou pour confirmer un diagnostic de mélanome.
Certaines lésions sont retirées pour des raisons esthétiques ou fonctionnelles (lésions sur la zone de la bretelle du soutien-gorge, lésions de la barbe gênant le rasage, etc.). Par prudence, elles doivent systématiquement faire l’objet d’une analyse anatomopathologique. Toute lésion cutanée pigmentée n’est pas forcément mélanocytaire. Il existe des mélanomes achromiques (non pigmentés, de diagnostic clinique difficile).
B. Diagnostic anatomopathologique
1. faire le diagnostic de la lésion pigmentée : mélanome, nævus ou éventuellement autre lésion pigmentée ;
2. rechercher certains facteurs pronostiques, avec au premier plan la mesure de l’épaisseur maximale de la lésion (indice de Breslow ++).
1. Diagnostic de mélanome
Diagnostic de mélanome = exérèse complète avec examen anatomopathologique. Il est impératif de faire une exérèse de l’ensemble de la lésion, avec une petite marge de tissu sain (biopsie-exérèse) ++. Il ne faut jamais, sauf exception, faire une biopsie partielle, pour plusieurs raisons :
1. l’indice de Breslow et l’index mitotique ne peuvent pas être correctement évalués sur biopsie ;
3. il existe, dans une proportion débattue de cas, des mélanomes sur nævus. Faire une biopsie partielle expose au risque dans ce cas de n’échantillonner que la partie bénigne de la lésion ;
4. en cas de biopsie partielle d’un nævus, la lésion se remanie ultérieurement et peut prendre un aspect très proche d’un mélanome, pouvant conduire ultérieurement à un diagnostic faussement positif de mélanome.
2. Analyse anatomopathologique et moléculaire de la tumeur
• type histologique : SSM, mélanome de Dubreuilh, mélanome acral lentigineux, mélanome nodulaire, autres ;
• épaisseur en mm de la lésion = indice de Breslow (figure 29.11) ;
• ulcération (non/oui) ;
• index mitotique (nombre de mitoses par mm2) ;
• exérèse complète (oui/non).
VII. Prise en charge thérapeutique
• mélanome in situ : 0,5 mm (sauf pour le mélanome de Dubreuilh cf. infra) ;
• mélanome de 0,1-1 mm : 1 cm ;
• mélanome de 1,1-2 mm : 1-2 cm ;
• mélanome > 2 mm : 2 cm.
Pour les mélanomes de Dubreuilh, une marge de 1 cm est recommandée ; si cette marge ne peut pas être respectée pour des raisons anatomiques et fonctionnelles, une marge de 5 mm est acceptable sous couvert d’un contrôle histologique strict des berges. Concernant la profondeur d’exérèse, elle doit être faite jusqu’au fascia tout en le respectant. La reprise chirurgicale fait l’objet d’un examen anatomopathologique.
Points clés
• Le mélanome est un cancer dont la fréquence est en augmentation.
• Toutes les tumeurs pigmentées de la peau ne sont pas mélanocytaires.
• La prise en charge d’une tumeur cutanée pigmentée suspecte repose sur la biopsie-exérèse avec examen anatomopathologique.
• Le principal facteur pronostique des mélanomes est l’épaisseur (indice de Breslow), exprimée en millimètres et mesurée sur les coupes histologiques.
• Les autres facteurs pronostiques sont le sous-type histologique, la présence ou non d’une ulcération et l’index mitotique.
• La prise en charge repose sur la chirurgie, avec reprise d’exérèse dont les marges dépendent de l’épaisseur de la tumeur.
• Le dépistage pour la prise en charge précoce du mélanome est important car l’exérèse d’une lésion au stade I (in situ) est curative.